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    Au Grand Palais<o:p></o:p>

    Lao-Tseu et la Voie<o:p></o:p>

    Présent du 19 juin 2010<o:p></o:p>

    « Lao-Tseu a dit : il faut trouver la Voie. Je vais vous couper la tête. » Comment oublier Didi, ce personnage du Lotus bleu, qui fou avait une conception si personnelle du Tao ? Ce mot signifie voie, pratique, doctrine. Le taoïsme ne se résume donc pas au qi gong, cette gymnastique pratiquée jusqu’en Europe dans des parcs, ni au couple du yin et du yang, souvent réduit à une dualité sexuelle alors qu’il est beaucoup plus que ça : « non seulement il a servi de modèle de classification universelle, expliquait Mircea Eliade, […] en outre il a été développé dans une cosmologie qui, d’une part, systématisait et validait de nombreuses techniques du corps et disciplines de l’esprit et, d’autre part, incitait à des spéculations philosophiques de plus en plus rigoureuses et systématiques. » Le taoïsme est religion, philosophie, hygiène, cogitation alchimique, vision totale de l’être supposé atteindre l’immortalité physique.<o:p></o:p>

    Le taoïsme a connu des périodes favorables et d’autres où vexations, interdictions, destructions lui ont été prodiguées. Il a connu l’hostilité du confucianisme, du bouddhisme, parfois celle de l’empereur ou du chef de la Révolution. La résistance du taoïsme s’explique probablement par le fort substrat mythologique archaïque sur lequel il est établi, qui l’ancre dans la mentalité chinoise. <o:p></o:p>

    Vivant au VIe siècle avant notre ère, Lao-Tseu reprend les cosmogonies antérieures, puise dans Le livre des Mutations écrit deux siècles plus tôt. D’après son ouvrage, Le livre de la Voie et de la Vertu, il ne paraît pas qu’il ait eu la prétention de donner les clés de l’immortalité. Sa pensée s’est trouvée largement développée par différentes et fécondes écoles.<o:p></o:p>

    Lao-Tseu est souvent représenté sur un buffle (illustration : rouleau vertical d’un mètre de haut, par Zhang Lu, XVIe siècle). « Lao-Tseu à la passe de Hangu » est le dernier épisode connu de sa vie, maintes fois représenté. C’est à ce moment que le sage remet au gardien de la passe son livre, puis s’éloigne et disparaît à jamais. La scène apparaît aussi bien sur un vase de porcelaine à émail rouge (XIXe), que peinte sur soie en tons délicats par Jiang Xun (1764-1821).<o:p></o:p>

    Sa disparition est significative. Le maître délaisse le monde. Le taoïsme en cela s’oppose au confucianisme, construit pourtant sur les mêmes croyances anciennes. Selon Confucius, l’homme s’épanouit et gagne en perfection en ayant une vie sociale et politique. Lao-Tseu prône lui la vie cachée.<o:p></o:p>

    Le caractère qui désigne les immortels, les adeptes qui sont allés au bout de l’expérience du Tao, est constitué du signe « homme » et du signe « montagne » : à l’instar de Lao-Tseu, l’immortel l’est devenu par la pratique de l’érémitisme. Les montagnes sont le lieu de méditation, mais aussi de recherches de plantes et de minéraux – ingrédients de l’élixir de longue vie. Importance de la montagne, le taoïsme a influencé la peinture chinoise en la poussant vers le paysage. Wen Boren (1502-1575) peint un long paysage horizontal où l’œil circule à merveille : Aube de printemps sur la terrasse de l’élixir. Shitao (1642-1720), dans le même format, peint Une visite à la grotte de Chang Gong, dans des tons gris bleu et saumon pastel. Les différentes îles où séjournent les immortels sont autant de prétextes à paysage : Wen Boren encore, ou son contemporain Wen Jia (1501-1583), qui fait s’étager de beaux escarpements où s’accrochent les arbres.<o:p></o:p>

    Divinisé en 166 ap. J. C., Lao-Tseu forme avec deux autres dieux les dieux dits du Ciel antérieur, les plus importants. Existent beaucoup d’autres dieux, secondaires, liés à l’organisation du monde : régents des onze luminaires, empereurs des cinq directions, grands généraux des friches, dieux des murs et des fossés… Ils apparaissent dans une série de remarquables peintures sur soie datée de 1454. <o:p></o:p>

    A chaque point cardinal est associé un animal : dragon vert à l’est, tigre blanc à l’ouest, oiseau vermillon au sud, tortue noire enlacée par un serpent au nord. Le zodiaque, expression du temps cyclique, a lui aussi ses animaux. Des terres cuites du VIe siècle les représentent en toge. Les têtes, délicates et naïves, sont de bons morceaux d’art animalier. Les « régents des douze palais du zodiaque » peuvent aussi être représentés portant des attributs occidentaux : lion, taureau, etc.<o:p></o:p>

    Le taoïsme, on le voit, a aimé les images, les paysages comme les personnes. Outre les nombreux manuscrits (textes sacrés, médicinaux), outre les vases, les peintures et les sculptures, on admirera de remarquables estampages réalisés à partir de bas-reliefs. Ils donnent, sur papier, des « négatifs » précieux pour l’iconographie. La sculpture se transforme en spectacle d’ombres chinoises.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    La voie du Tao, un autre chemin de l’être.

    Jusqu’au 5 juillet 2010, Grand Palais.

    illustration : Laozi sur le buffle, par Zhang Lu © The National Palace Museum Taipei, Taiwan

     

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    Au centre Pompidou<o:p></o:p>

    Lucian Freud et le réel<o:p></o:p>

    Présent du 12 juin 2010<o:p></o:p>

    Le peintre Lucian Freud est, avec Francis Bacon, un des principaux maîtres figuratifs anglais du XXe siècle. Depuis les années 1990, diverses expositions ont fait voyager son œuvre dans le monde. La plus importante a été la rétrospective organisée par la Tate Britain à Londres (2002), partie ensuite à Barcelone et Los Angeles, qu’a suivie en 2007 une autre rétrospective qui s’est arrêtée en Irlande, au Danemark, en Hollande.<o:p></o:p>

    Lucian Freud, petit-fils de Sigmund Freud, est né à Berlin en 1922. La famille a émigré en 1934 en Angleterre, où le fondateur de la psychanalyse l’a rejointe et y est mort en 1939, année où son petit-fils acquérait la nationalité britannique.<o:p></o:p>

    Il étudie l’art à Dedham, sous la direction de Cedric Morris. Celui-ci avait étudié à Paris, dans les académies de Montparnasse, avant et après la Première Guerre. Freud lui-même séjourne en 1946 à Paris, où il rencontre Giacometti et Picasso, puis en Grèce. Par la suite il ne s’éloigne guère des ses ateliers londoniens successifs, ce qui lui vaut d’appartenir à « l’Ecole de Londres », dans laquelle on regroupe une cinquantaine d’artistes (Francis Bacon, Franck Auerbach, autre natif de Berlin réchappé du nazisme, etc.)<o:p></o:p>

    En 2001, pour le jubilé de la Reine, Lucian Freud a offert de peindre son portrait. La Reine a posé, couronnée. Le petit portrait de 15 x 22 cm n’a pas fait l’unanimité. La Reine a peu goûté la moue d’ennui, si éloigné d’un sourire officiel. Le Sun a trouvé qu’elle ressemblait à un vieux travesti, le British Art Journal à un de ses chiens qui aurait eu une attaque. (La royale effigie ne figure pas dans cette exposition de Pompidou.) Les appréciations, désagréables pour l’artiste comme pour le modèle, ne sont pas justifiées. Les gens acceptent des horreurs sans broncher, sinon d’extase, et s’indignent à contretemps. Il y a dans la manière de Lucian Freud une tranquillité d’approche, une façon de ne se soucier ni de plaire ni de choquer – quand l’art moderne se satisfait interminablement de plaire en feignant de choquer. <o:p></o:p>

    Pour peindre la Reine, Freud a dû sortir de son atelier. D’ordinaire il le trouve assez grand pour s’y cantonner. Au cœur de ce laboratoire matriciel, dépouillé, il échappe à l’emprise de l’anecdote.<o:p></o:p>

    Dans une pièce vaste et vide prend place un modèle, parfois rejoint par un autre ou par le chien de l’artiste. Les modèles sont en général nus. Les personnages sont bien installés dans l’espace. Pour Freud, l’être humain modèle l’espace autour de lui d’une façon spécifique, qui appartient à sa personnalité. Réussir à peindre cela, participe de la réussite du portrait.<o:p></o:p>

    De même que l’atmosphère qui les entoure a son épaisseur, les corps, peints avec une touche franche et grasse, ont la leur. La peinture est chair : profession de foi du réaliste, limite également d’une vision qui n’est que charnelle. Héritage indirect de l’Ecole de Paris ? Les tons de chair varient peu d’une toile à l’autre. Les poses ne sont jamais conçues : le corps s’affale, se démembre pour le plaisir de le peindre écartelé dans l’espace. Cela parle peu car de telles postures ni naturelles ni plastiques.<o:p></o:p>

    Par refus d’une beauté convenue, Freud ne craint pas de s’attaquer à des modèles obèses, de taille américaine : Endormie près du tapis au lion (1995-1996), non sans glisser parfois dans le titre une once d’ironie : Cadre d’une société de prévoyance sociale endormie (1995). <o:p></o:p>

    Parfois la viande est dépassée. Portrait nu debout (1999-2000) est un très beau nu dans sa simple verticalité. L’ambitieux intérieur Portrait nu avec un fauteuil rouge (1999) baigne dans une atmosphère obombrée qui prouve combien la crudité d’un nu gagne à être atténuée. Par un cadrage en contre-plongée, Freud confère de la poésie à la Jeune fille dans une embrasure du grenier (1995).<o:p></o:p>

    Je serais volontiers reparti avec deux toiles non moins poétiques si, à la différence du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le Centre Pompidou n’était doté d’un système d’alarme en état de marche – du moins on le suppose. Le Bouquet de boutons d’or (1968) est un bouquet sauvage tout en légèreté. Deux lutteurs japonais près d’un évier (1983-1987) représente un évier au-dessus duquel est posée une image de lutteurs. L’évier est le vrai sujet de la toile. Large et profond évier d’atelier, blanc et rectangulaire, où après une fructueuse, harassante séance de travail on a plaisir à nettoyer les brosses sur un bloc de savon de Marseille. Les lumières sur l’émail, les reflets – et les reflets des reflets –, mis en valeur par le fond du bac souillé de tons ocre et vert, les deux robinets ouverts avec leurs jets irréguliers, tout cela fait une nature morte aussi inattendue que réussie.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Lucian Freud, L’atelier. <o:p></o:p>

    Jusqu’au 19 juillet 2010, Centre Pompidou.<o:p></o:p>

    illustration : Reflet avec deux enfants (autoportrait), 1965 © José Loren, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid ©Lucian Freud<o:p></o:p>


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    Au musée Guimet

    <o:p></o:p>Le grand art du Gandhara

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    Présent du 5 juin 2010

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    Le musée Guimet avait présenté en 2007 l’Afghanistan antique.  Avec les arts du Gandhara, nous nous transportons plus à l’Est, sur les terres de l’actuel Pakistan. Nous touchons le terminus oriental des conquêtes d’Alexandre, qui atteignit le Pendjab. Des colonies grecques y subsistaient au début de notre ère, rejointes par les réfugiés qui avaient fui l’Iran sur lequel des envahisseurs étaient tombés. La dynastie kouchane allait développer dans la région une civilisation bouddhique marquée par l’art grec. L’art du Gandhara a été qualifié de gréco-bouddhique par Alfred Foucher, qui soutint sa thèse en 1900 sur le sujet, après avoir mené des fouilles à la frontière indo-afghane.<o:p></o:p>

    Des trois musées qui ont recueilli les vénérables sculptures, le plus ancien est celui de Lahore. Le père de Rudyard Kipling en fut conservateur de 1875 à 1894. Le romancier fait commencer Kim, roman d’un orphelin irlandais apprenti-espion, à Lahore même, face au musée que les indigènes appellent la Maison des Merveilles.<o:p></o:p>

    Merveilles est le mot juste. Taillés dans un schiste tantôt vert, tantôt noir, les bas-reliefs racontent la vie du Bouddha ainsi que des scènes profanes : la visite en palanquin, le retour au palais, musique et danse, l’école. La sculpture est sans complexe. Elle va droit au but. Le talent n’est pas également réparti, mais tous les reliefs indiquent « un ciseau rompu à la technique des ateliers de Grèce et d’Italie » (Alfred Foucher). Sans ignorer les influences indo-parthes et indo-scythes, l’empreinte de la patte hellène est trop marquée pour que le contact n’ait été qu’une influence : des sculpteurs grecs ont officié dans ces contrées, ont transmis un métier, une esthétique.<o:p></o:p>

    Tel homme musclé s’inspire visiblement d’un colosse ou d’un kouros : il mérite le nom d’Atlas. Telle belle femme casquée, dont le drapé ne dissimule rien de la féminité, mérite celui d’Athéna. Le Bouddha est un mélange de sage indien et de prince indo-grec, apollinien. Les colonnes qui délimitent les scènes supportent des chapiteaux plus souvent corinthiens qu’indiens.<o:p></o:p>

    Rien ici de l’abâtardissement de l’art grec au contact de l’art égyptien dégénéré. Nous ne sommes pas en présence du métissage de deux arts, mais d’un art mis au service d’une religion dont, a priori, il n’était pas destiné à exprimer les croyances. La première image du Bouddha était réputée achéiropoïétique. Est-ce au contact de la culture grecque que le bouddhisme pakistanais a rompu avec l’interdiction de représenter Bouddha autrement que par un symbole ? Ses premières images sont-elles celles du Gandhara ? On le pensait autrefois, on n’en est moins sûr aujourd’hui. <o:p></o:p>

    Au contact de l’Asie, puis avec l’apport romain, les gènes grecs ont muté et donné ce résultat étonnant, que nombre de sculptures semblent appartenir à la sculpture chrétienne médiévale. Un chapiteau s’inspire d’un modèle corinthien mais un personnage émerge du feuillage, encadré par deux volutes et deux fleurs qui mordent sur le tailloir : n’était la pierre, ce serait de l’art roman caractérisé. Les animaux fantastiques, taureaux et boucs marins, anguipèdes ailés, ont leurs descendants sur une archivolte corse, sur un chapiteau italien. Des anguipèdes musiciens à double queue annoncent les sirènes bifides et les ânes harpistes.<o:p></o:p>

    Les scènes de vendanges, inspirées par le voyage mythique de Dionysos en Asie, rappellent les travaux des mois qui animent les portails gothiques. La même simplicité, la même proximité les a inspirées. Les soldats de Mara, le roi démon manipulateur et pervers qui tente Bouddha pour l’empêcher d’atteindre l’Eveil, sont les cousins des diables qui peuplent les enfers médiévaux : hures, crinières, grimaces, le Mal a partout même visage (illustration).<o:p></o:p>

    Deux stèles ambitieuses, La visite d’Indra et L’apothéose bouddhique présentent le Bouddha environné de divers personnages. La narration cède le pas à la contemplation. La seconde stèle, avec des personnages dont certaines attitudes sont analogues à celles des Vieillards de l’Apocalypse, est profondément fouillée, par un artifice osé : le relief est entièrement creusé par derrière. Kipling décrit l’étonnement d’un lama descendu de sa montagne devant ce chef-d’œuvre réalisé « par des artisans oubliés, dont le génie grec, à la suite de transmissions mystérieuses, était venu si loin de sa patrie, et non sans bonheur, guider la main ». Cette sculpture est postérieure aux reliefs de l’époque kouchane. Influencée par l’art gupta, elle date des V-VIe siècles. Les grands personnages auxquels le schiste noir donne l’apparence du bronze, du monastère de Sahri Bahlol, sont eux aussi tardifs. L’art du Gandhara prend fin, dignement, avant les invasions musulmanes du VIIe siècle.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Pakistan, terre de rencontre – Les arts du Gandhara (Ier-VIe siècle).

    Jusqu’au 16 août 2010, musée Guimet. <o:p></o:p>

    illustration : Soldats de Mara, Pakistan, Lahore Museum © Droits réservés

     

    voir également:

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  • En Anjou<o:p></o:p>

    La Vierge de Montplacé<o:p></o:p>

    Présent du 29 mai 2010

    La chapelle de Montplacé, en Anjou, fête quatre cents ans de dévotion mariale. L’endroit était bien avant le XVIIe siècle un lieu de pèlerinage. La guerre de Cent ans, les guerres de Religion avaient entraîné sa désuétude. Un jour de l’année 1610, dans l’oratoire désaffecté où demeurait une Piéta en bois médiévale, s’abrita une bergère à qui la Vierge apparut sous forme de flammes, autour de la vieille sculpture. <o:p></o:p>

    Cette manifestation réveilla la piété. La construction d’une chapelle fut lancée, non sans mal. L’entrepreneur fit faillite. L’architecte détourna des fonds. Il fallut plus de cinquante années pour la voir achever (1620-1672), tandis que le pèlerinage devenait célèbre, des guérisons ayant lieu. Le pèlerinage ne connaîtra pas le renom de celui de N.-D. des Ardilliers, mais son essor s’inscrit dans le renouveau spirituel du XVIIe siècle.<o:p></o:p>

    Dotée d’un élégant toit en pavillon, l’édifice est juché sur une petite colline plaisante (c’est son étymologie : mons placitus), avec vue sur le bourg de Jarzé. Son entretien incombait au seigneur du lieu. D’où le riche cimier porté par deux anges au-dessus du portail. La façade Ouest est abondamment sculptée. Autour de la Vierge qu’accompagnent deux anges, bouquets de roses, cornes d’abondance, masses de fruits sont allègrement prodigués et donnent l’idée d’une surabondance de Grâce, de fertilité spirituelle. Belle sculpture, vigoureuse et joyeuse. <o:p></o:p>

    Cependant c’est une Vierge de douleur et l’attitude des anges à ses côtés est celle de la complainte. Derrière la tête de la Vierge, la couronne d’épines et les clous le confirment, ainsi que le panneau en bois, à pans coupés, au-dessus de la porte, où apparaissent en faible relief les instruments de la Passion. Les souffrances de la Passion transformées en grâces par la médiation de Marie, tel est le sujet du portail. Cela correspond assez à la spiritualité bérullienne.<o:p></o:p>

    Taillés en haut relief, les instruments de la Passion surmontent encore la petite porte Sud-Ouest.<o:p></o:p>

    A l’intérieur, le chœur forme un vaste ensemble (illustration). On y retrouve angelots, fleurs et fruits, en masses, comme accrochés au mur ou disposés dans des vases. Ces masses sont cependant traitées différemment, elles se détachent plus des parois, ce qui leur donne une certaine dureté. Au-dessus de l’autel, une peinture de Jean Ernou : une Déploration. Les Ernou sont une famille de peintres angevins des XVIIe et XVIIIe siècles. Cet Ernou-là mourut en 1692. Son tableau est surmonté d’une Vierge à l’Enfant, en terre cuite peinte. D’autres sculptures de la même technique : deux anges, un Saint-Joseph, que complète, de l’autre côté, la Piéta en bois, rustique, qu’on datait du XIVe siècle, date vraisemblablement trop haute : la fin du XVe est plausible. Sa niche est surmontée d’un dais.<o:p></o:p>

    Les statues en terre cuite peinte sont une spécialité mancelle à l’époque. Celles-ci étaient attribuées à Pierre Biardeau (1608-1671), on les donne aujourd’hui à Nicolas Bouteiller, qui fut peut-être son élève (1630-1696). Elles seraient des œuvres de jeunesse, ce qui explique cette relative raideur, cet aspect figé. Assurément, les terres cuites et le décor ne relèvent pas de la même main.<o:p></o:p>

    Dans l’ensemble, la parenté est certaine avec la chapelle du Prytanée militaire, dont la décoration intérieure est contemporaine de la construction de Montplacé. Pour la partie inférieure, le portail de Montplacé est voisin de celui du lycée militaire. Les Jésuites eurent une influence spirituelle dans la région, mais aussi artistique : les artistes qui ont travaillé à La Flèche ont répandu leur style dans divers chantiers de la région.<o:p></o:p>

    Mentionnons, pour terminer cette rapide visite, la magnifique coquille sculptée au revers du portail et, çà et là, encore des angelots et des fruits au niveau des chapiteaux qu’ils dissimulent plus qu’à moitié, disposition baroque (illustration). Le tronc serait celui qui servait au XVIIe siècle à recueillir les dons pour la construction.<o:p></o:p>

    Les 400 ans de l’apparition de la Vierge à Montplacé seront fêtés par des concerts (20 juin, 4 et 24 juillet), par une présentation de la symbolique des couronnes de mariée : près d’une centaine a été déposée en ex-voto après des naissances confiées à la Vierge. Le 15 août auront lieu le pèlerinage et la messe, que suivra un son et lumière. <o:p></o:p>

    Samuel

     

    Renseignements : Association pour la sauvegarde de la chapelle de Montplacé, 3 rue Louis Touchet, 49140 Jarzé (www. chapelle-montplace.com).

     

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    Aux Gobelins

    Tentures flamandes

    à la Cour d’Espagne

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    Présent du 22 mai 2010<o:p></o:p>

    La collection de tapisseries des Habsbourg d’Espagne constitue encore aujourd’hui un ensemble magnifique qui reflète autant le savoir-faire des artisans bruxellois que l’éclat d’une dynastie.<o:p></o:p>

    La collection d’Isabelle la Catholique fut vendue à sa mort pour régler des créances (1505). Le patrimoine par la suite fut préservé et transmis. Marguerite d’Autriche, sœur de Philippe le Beau, régente des Pays-Bas (1507-1530), rassembla une collection qui passa à son neveu Charles Quint, lequel l’enrichit à son tour par ses soins et par l’entremise de sa sœur Marie de Hongrie (régente des Pays-Bas, 1530-1555). A la fin du XVIe siècle, Philippe II se retrouvait ainsi en possession de sept cents tapisseries.<o:p></o:p>

    Tissées d’or, d’argent et de soie, les tapisseries apparaissent dans les inventaires après les bijoux et l’argenterie, loin devant les peintures et les sculptures. Elles suivent le souverain dans ses déplacements, rehaussent ses résidences de tout leur éclat. L’habileté des lissiers flamands au XVIe siècle est confondante, à la hauteur du talent des peintres qui fournissent les cartons. Les sujets sont religieux, moraux, historiques ; souvent choisis en fonction de l’image que le roi veut donner de lui-même.<o:p></o:p>

    Les tentures du premier quart du XVIe siècle sont de style gothique : les attitudes, les drapés continuent le siècle précédent tout en s’assouplissant. L’histoire de David et Bethsabée est racontée à la façon d’un roman courtois (tapisseries oblongues servant de parements de lit). Au Baptême du Christ assistent de nobles personnages, dont la prestance s’accorde à celle de l’ange mêlé à eux (illustration). Aux pieds du Christ, des canards, des pics, une grenouille regardent la scène, qui capte l’attention d’un rocher « céphalomorphe ». Le paysage acquiert une certaine profondeur.<o:p></o:p>

    A la même période, les sujets profanes restent volontiers allégoriques. Le Triomphe du Temps (avant 1504) se présente comme une préparation à une joute chevaleresque. Le Temps en armure est entouré du Passé (un vieillard), du Présent, de la Gloire ; vers lui arrive le Futur, chevalier masqué, prêt à en découdre sous les yeux de l’assistance regroupée dans une tribune. Les coloris bleu vert sont remarquables.<o:p></o:p>

    La Renaissance, par la pratique des emblèmes, ne dédaigne pas les allégories. Une tenture consacrée aux Moralités montre la Vertu, autour de laquelle gravitent – avec une certaine confusion – des dieux et des personnages antiques. Tirée d’une tenture consacrée aux Honneurs, la tapisserie de la Fortune (1520) est mieux composée. La Fortune trône au centre, impériale, tandis que toutes sortes d’épisodes montrent divers personnages de l’histoire antique ou biblique qui ont bénéficié ou subi d’éclatants revers de Fortune. Ainsi Moïse qui, nourrisson, se retrouve voguant sur le fleuve dans une corbeille de papyrus.<o:p></o:p>

    Cette Fortune est due au peintre Van Orley, qu’on dit avoir été élève de Raphaël, ce qui n’est pas assuré : peut-être ne quitta-t-il pas sa Bruxelles natale. Toujours est-il que sous sa direction y fut tissée la Tenture des Actes des Apôtres de Raphaël, promise à une grande gloire. L’artiste y avait envoyé ses cartons, preuve de la prééminence des lissiers flamands tôt dans le siècle (1516).<o:p></o:p>

    Van Orley achève la rupture avec le gothique. Les vêtements sont naturalistes, les poses moins hiératiques. Il fut fréquemment mis à contribution pour les tapisseries. Le Louvre possède les tapisseries dites « Chasses de Maximilien », et les petits cartons réalisés d’après ses dessins, ici exposés : à chaque mois correspond une chasse, une étape, un signe zodiacal. Toujours d’après lui, six petits cartons traitent de la bataille de Pavie, mise en scène de façon très moderne. Il donne, dans un des panneaux de La fondation de Rome, le visage de Charles Quint à Romulus.<o:p></o:p>

    Çà et là se rencontrent des détails iconographiques curieux. Une Apocalypse du milieu du siècle présente un nœud de dragons, à gauche, dont les gueules et les reflets bleutés laissent supposer une inspiration chinoise (Saint Michel terrassant le dragon). Sans conteste, dans l’inattendu, une tapisserie l’emporte, tissée d’après Bosch (1453-1516). Philippe II aimait beaucoup ses œuvres, dont le Prado conserve quelques unes des plus belles.<o:p></o:p>

    Jérôme Bosch peignait du même pinceau paisible le Jardin d’Eden et la terre après la Faute, fourmillant d’êtres humains aux prises avec des monstres et démons divers. Un univers qui semble difficile à transcrire en tapisserie. Et pourtant, le motif principal est emprunté à La Charrette, placé au centre d’un univers constitué de « citations » de Bosch, le tout arrangé sans fausse note. Rien n’était impossible aux lissiers bruxellois.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Trésors de la Couronne d’Espagne, Un âge d’or de la tapisserie flamande.

    Jusqu’au 4 juillet 2010, Galerie des Gobelins.<o:p></o:p>

    illustration : Atelier de Bruxelles, Le Baptême du Christ, 1515-1520 © Patrimonio nacional, Madrid<o:p></o:p>


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