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Par schwa1 le 8 Octobre 2010 à 12:01
Au musée du Louvre
L’antiquité par l’image
Présent du 9 octobre 2010
La connaissance directe des œuvres de l’Antiquité a longtemps été limitée. A part à Rome, nulle part n’existait de « musées » qui fissent le tour de la question. Les livres illustrés ont cherché à pallier ce manque. De 1600 à 1800, il n’est pas interdit de parler, pour certains ouvrages, de « musées de papier ». Ils visent à l’exhaustivité, associent une illustration de qualité à un commentaire érudit.
Premier « museo cartaceo », l’encyclopédie de Cassiano Del Pozzo, dont la partie consacrée à l’Antiquité a inspiré de nombreux continuateurs : Pietro Sante Bartoli lui emprunte par exemple une scène de banquet au bord de l’eau, délicate aquarelle, relevé d’une mosaïque de Palestrina. Autre aquarelle, le relevé des très élégantes arabesques d’une fresque du tombeau des Nasons (Rome, illustration).
L’Antiquité intéresse depuis le XVe siècle, presque exclusivement, mais finit par éveiller la curiosité pour le passé en général : la continuité se fait entre Antiquité païenne et chrétienne, entre Antiquité et Moyen Age. En France au XVIIe, Jean Mabillon, en écrivant l’histoire de l’ordre de saint Benoît, se penche sur la statuaire chrétienne. Des gravures de sculptures illustrent son ouvrage. Son contemporain, Gaignières, relève sculptures et portails de Chartres, du Mans, de Paris, étend sa curiosité à l’art gaulois qui ne lui paraît pas indigne. A leur suite, le bénédictin Bernard de Montfaucon (1655-1741) fournit le travail le plus considérable. Les Monuments de la Monarchie française paraissent de 1729 à 1733. Il réutilise les dessins de Gaignières, emploie Antoine Benoist pour d’autres (dessin préparatoire et gravure : roi mérovingien du portail de Saint-Denis).
La passion du Moyen Age, on le voit, ne naîtra pas ex nihilo au XIXe. Elle a eu des prémices dès la fin du XVIIe. Elles concernent plus les historiens que les artistes, mais les œuvres sont prises en considération.
Montfaucon est également l’auteur de l’Antiquité expliquée en figures, cinq tomes parus en 1719, pas moins de 1 355 figures… Les dieux égyptiens y sont présents, comme dans d’autres ouvrages les dieux étrusques.
Les fouilles d’Herculanum (à partir de 1738) et de Pompéi (vers 1750) relancent les recherches en donnant du grain à moudre aux antiquaires et font éclore le goût néoclassique. Le comte de Caylus, en 1761, publie son Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises. Car la Grèce n’a pas été oubliée : un recueil de 44 dessins datant de 1674 recense les métopes sud du Parthénon, bons dessins à la sanguine sur fond de mine de plomb. Julien-David Le Roy dessine les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce (1758, par exemple une vue des ruines des Propylées). Ses gravures seront critiquées pour leurs approximations par James Stuart qui publie à partir de 1762 les Antiquités d’Athènes mesurées et dessinées.
En effet, l’exactitude scientifique prévaut peu à peu, ainsi que la recherche des canons antiques (artistiques et architecturaux), crus clés de l’excellence : Les Edifices antiques de Rome dessinés et mesurés très exactement paraissent en 1682. Antoine Desgodetz, l’auteur, a été envoyé pour cela à Rome par Colbert. L’année suivante paraissent Les proportions du corps humain mesurées sur les plus belles figures de l’antiquité, d’un artiste : le graveur Girard Audran. Il démontre, à partir d’un dessin, que le Laocoon fait « 7 têtes, 2 parties, 3 minutes ».
Musées de papier : de l’ouvrage de Giuseppe Bianchini, Demonstratio historiae Ecclesiasticae (1752-1754), se déplient de grandes gravures où les bustes, les médailles sont présentées non en planches mais en vitrine de musée. Deux musées romains voient leurs collections mises en livres, avec gravures et notices (XVIIIe) : le musée Capitolin, le musée Pio-Clémentino.
Ce catalogage, ces mesures fondent l’histoire de l’art comme science. Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) en est l’un des fondateurs, de même qu’Agincourt (1730-1814) dont l’Histoire de l’art par les monuments, depuis sa décadence au VIe siècle jusqu’à son renouvellement au XVIe siècle (publiée de 1810 à 1823) fait la part belle à la comparaison des formes pour apprécier leur évolution. Cependant, on l’a compris, le formidable travail des antiquaires qui les ont précédés n’a été en rien de l’amateurisme.
Quelques œuvres agrémentent le parcours. Des bronzes : Le tireur d’épine offert à François Ier par le cardinal Hippolyte d’Este, le Gladiateur Borghèse offert par Le Nôtre à Louis XIV, les grandes répliques de la Vénus callipyge et de l’Apollon du Belvédère achetées par Madame du Barry. Une singerie de Chardin : un singe en antiquaire, entouré de ses livres, de ses médailles qu’il examine, loupe en main.
Samuel
Musées de papier. L’Antiquité en livres, 1600-1800.
Jusqu’au 3 janvier 2011, Musée du Louvre.
illustration : Pietro Sante Bartoli, relevé d’une fresque des Nasons, dessin aquarellé © BnF
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Par schwa1 le 1 Octobre 2010 à 14:31
A la Pinacothèque<o:p></o:p>
Présent du 2 octobre 2010<o:p></o:p>
La Pinacothèque déplore que l’empire inca ne soit pas reconnu l’égal de l’empire d’Alexandre ou de Napoléon, et veut réparer « l’injustice ». Plus globalement, au chapitre de la grande culpabilité de l’homme blanc, l’intrusion de l’Occident dans l’Amérique inca est décrite comme une violence. Pourtant c’était le métissage culturel, l’ouverture aux autres, l’accueil de l’immigré que découvrirent alors les populations sud-américaines. Somme toute – et en appliquant ce signe « égal » de rigueur –, les Espagnols étaient des Roms. Ils allaient et venaient, s’arrêtaient là où un profit s’annonçait, leurs mœurs dussent-elles déplaire aux autochtones.<o:p></o:p>
Quand les Européens arrivent en 1532, l’empire inca n’a qu’un siècle. Les Incas ont soumis et digéré les cultures environnantes. Une élite administre, sous une langue unique (le quechua), un empire de type socialiste, caractérisé par une hiérarchie sourcilleuse et un système de redistribution inégalitaire. Des dieux violents, sanguinaires, donnent le ton. Cela est commun aux cultures précolombiennes, incas mais aussi mayas. Mel Gibson l’a raconté dans un film (Apocalypto). Elles-mêmes nous le disent, en or et en couleurs. Ce n’est donc pas la violence des Espagnols qui put surprendre les Incas, mais la Révélation d’un dieu bon.<o:p></o:p>
Le style inca hérite d’un savoir faire qui remonte aux premiers siècles avant notre ère, d’un style amérindien globalement homogène, à tendance, selon les cas, figurative ou t stylisée.<o:p></o:p>
Le goût pour la géométrie est affirmé : losanges, lignes rompues. Rompus aussi, les tons qui décorent la céramique, ils se répondent chaleureusement. Le contraste des complémentaires est utilisé, sur tel poncho brodé, sur tel autre couvert de plumes bleues et orange, qu’éclairent des plumes jaunes.<o:p></o:p>
Le volume des bouteilles en céramique est d’abord celui d’une gourde. L’anse qui s’y ajoute peut être plate, cintrée, en pont, en étrier… L’artisan ensuite modèle la gourde de manière à en faire un homme, un animal (oiseau, singe, tatou, félin). Sans cependant s’écarter de la forme initiale, ce qui l’oblige à une réflexion formelle. Cette céramique relève d’un art populaire savoureux et d’un sens décoratif développé.<o:p></o:p>
L’art de l’or enflamme plus facilement l’imagination. Les traces les plus anciennes de métallurgie datent, pour le Pérou, de 1500 av. J.-C. Outre les techniques de fonderie, les artisans ont pratiqué, pour la mise en œuvre, le laminé, le repoussé, la découpe, la gravure, la ciselure, l’emboutissage, l’assemblage…<o:p></o:p>
L’or est la sueur du Soleil, principe masculin, il y a aussi l’argent, larmes de la Lune, principe féminin ; le cuivre, les alliages. L’empereur inca était « fils du Soleil ». Il était donc un souverain absolu et l’or était le signe distinctif de sa personne et de sa famille. Il était aussi grand prêtre et l’or n’a pas été, autant qu’on en peut juger, une monnaie mais un métal liturgique avant tout. Et quelles cérémonies ce devait être, éclatantes et sacrificielles ! Aucun concile n’en avait éteint la splendeur.<o:p></o:p>
Imaginons les fidèles de haute classe couverts d’or, de colliers, de bracelets, de diadèmes, de pectoraux – certains véritables chemises d’or –, de boucles d’oreilles gigantesques qui déformaient les oreilles – on reconnaissait à cette déformation les vieilles familles –, ainsi que d’étranges ornements nasaux qui, par leur ampleur, étaient presque des masques. Les plaques frontales sont ornées de figure animale ou humaine à babines retroussées et crocs sortis : ces dieux ont faim.<o:p></o:p>
La réalité des sacrifices est attestée par le décor de certaines bouteilles, par les recherches archéologiques. Le tumi, couteau sacrificiel en or, a la forme d’un hachoir à herbes. Il est entièrement orné.<o:p></o:p>
La musique agrémentait le rituel. On y retrouve l’or (chapeau-chinois), le cuivre (sonnailles en forme de têtes de hibou), le bois (trompe ornée d’une tête sculptée) ; des conques étaient aussi utilisées. Des grelots équipent nombre de coupes et de gobelets (bois, or, décorés d’oiseaux souvent, de grenouilles). La libation de chica (boisson fermentée à base de maïs) était un temps fort de partage, elle justifie cette vaisselle.<o:p></o:p>
La momification permettait d’éviter au défunt d’errer parmi les vivants, de l’honorer : les momies étaient régulièrement exhumées, promenées. L’une d’elle se retrouve derrière une vitrine, entourée d’objets usuellement déposés dans une tombe : récipients, bijoux, mains votives. Comment ne pas avoir envie de relire Les Sept Boules de cristal, Le Temple du Soleil ? Et L’Oreille cassée, car un fétiche exposé ressemble fort à celui en cause dans cette aventure. J’ai bien vu que c’est un faux, car son oreille est intacte.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
L’or des Incas, Origines et mystères.
Jusqu’au 6 février 2011, Pinacothèque de Paris.
illustration : Ornement frontal, culture chimu (entre 900 et 1470 apr. J.-C.) © Musée Larco, Lima © Joaquin Rubio Roach<o:p></o:p>
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Par schwa1 le 24 Septembre 2010 à 12:29
Au musée Cernuschi<o:p></o:p>
Angkor, des racines et des pierres<o:p></o:p>
Angkor fut la capitale des « Rois des rois des Khmers » du IXe au XVe siècle. Chacun y légua au suivant son lot de temples hindouistes et bouddhistes, qui des bassins, qui des esplanades. Au XVIe, l’abandon fut définitif, le site livré à la végétation.<o:p></o:p>
Il ne s’agissait point de mauvaises herbes dans une plate-bande mais d’une forêt vierge. L’homme équarri le minéral pour l’appareiller contre la pesanteur, le végétal lutte contre elle pour croître, sans qu’ils soient alliés. Angkor devint le champ de cette bataille où le végétal, par sa persévérance, pousse les pierres et disloque les murailles.<o:p></o:p>
Le site était connu, mais à la manière d’une forêt fantastique telle qu’aurait pu en rêver Tolkien. En 1860, un explorateur français, Henri Mouhot, y séjourna et dessina. L’image se précisait : c’était bien une forêt fantastique.<o:p></o:p>
Il revient à l’Ecole française d’Extrême-Orient (fondé en 1901 à Hanoï) d’avoir mené les restaurations. Cette école est un des fleurons de la recherche scientifique coloniale de la France. Parmi les hommes qui dirigèrent les travaux, citons Henri Parmentier, Victor Goloubew, Henri Marchal, Paul Pelliot, Georges Trouvé. Les archives photographiques de l’Ecole donnent une idée du travail accompli de 1907 à 1975. Elles montrent l’état brut, les travaux en cours, le résultat final.<o:p></o:p>
Un défrichage de bénédictin, un jardinage herculéen a été effectué. Les archéologues avaient face à eux un enchevêtrement de pierres et de branches. Ici le banyan abat un mur, là un fromager prend un édicule comme point d’appui pour s’élever plus haut (illustration), plus loin un ficus semble avoir coiffé un visage monumental à la façon d’une pieuvre. Certaines racines ondulent comme des boas, glissent le long des colonnes, enserrent un temple comme une main puissante. Certaines gauchissent un mur, lui donnent du fruit qu’un arbre va étayer, le maintenant dans un équilibre où chacun dépend de l’autre.<o:p></o:p>
Parfois il a fallu tout couper et tout remonter. Parfois, quand la végétation était imbriquée à la construction, il a fallu retirer peu à peu, d’abord le tronc, puis les racines, en consolidant au fur et à mesure, ou en déposant. Les archéologues et leurs équipes, avec un matériel assez rudimentaire de treuils, de chèvres en bois à peine dégrossi et d’échafaudages que l’Inspection du Travail n’autoriserait pas, ont pratiqué l’anastylose : la dépose, pierre à pierre, de tout l’édifice, en numérotant chacune, avant de le remonter, solide, parfois sur des assises ou des contre-murs de béton, comme un puzzle géant en trois dimensions.<o:p></o:p>
Le temple de Banteay Sei est le premier temple cambodgien à avoir été restauré par ce moyen, dans les années trente, en suivant la méthode expérimentée tout d’abord à Java. Situé à une vingtaine de kilomètres du site principal d’Angkor, ce qui explique que ce temple hindou n’a été découvert qu’en 1914, il date du Xe siècle.<o:p></o:p>
L’exposition retient deux autres édifices : le Baphuon et Neak Pean.<o:p></o:p>
Le Baphuon est un grand temple montagne shivaïte du XIe siècle. Vices de construction, éboulement… En cours de dépose en 1975, il est devenu un puzzle de 300 000 pièces quasi impossible après que les Rouges ont détruit les relevés et toute la documentation le concernant. Mais qu’est une Révolution pour des archéologues ? Ça s’époussette comme le reste. En 1995 ils ont longuement observé les morceaux répandus sur le sol et ont pu reprendre la construction.<o:p></o:p>
Le Neak Pean date du XIIe siècle. Il est construit sur une île lotiforme, au milieu d’un des bassins. C’est un temple, mais aussi une représentation du lac mythique bouddhique Anavatapta (« toujours frais »), et encore un « nilomètre » élaboré. Son symbolisme fouillé va de pair avec sa complexité technique. L’édifice résume bien la grâce de l’art khmer, sculpture plutôt : le mur n’apparaît pas en tant que tel, il est degrés, corniches, gâbles, ou bas-reliefs. Et de même que l’architecture se trouve être une forme habitable de la sculpture, la sculpture est picturale : elle saisit les demi-teintes et les quarts de ton, la lumière douce qui fuit sur les figures en méplat, celles des sages et des autres, la flore et la faune, tous conviés à une « orgie ornementale », disait Elie Faure, qui ajoutait, relevant en quoi toujours Angkor aura à voir avec la végétation : « Les entrelacs de fleurs, de fruits, de lianes, de palmes et de plantes grasses… épousent à tel point la ligne de l’architecture qu’ils la rendent plus légère et semblent la soulever tout comme en un réseau aérien de feuilles, de tiges enroulées, de frondaisons suspendues… » Quelques gros plans sur des dragons dégobillant des rinceaux, sur des feuillages encadrant des scènes polylobées, nous en convainquent.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Archéologues à Angkor, Archives photographiques de l’Ecole française d’Extrême-Orient.
Jusqu’au 2 janvier 2011, musée Cernuschi.
illustration : Neak Pean, tour centrale avant dégagement © EFEO<o:p></o:p>
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Par schwa1 le 17 Septembre 2010 à 15:47
Au musée des Arts décoratifs
Chéret à l’affiche<o:p></o:p>
Présent du 18 septembre 2010<o:p></o:p>
Les affiches de Jules Chéret (1836-1932) nourrissent l’idée qu’on a de la France de la Belle Epoque. Elles ont d’abord nourri l’idée que la Belle Epoque avait d’elle-même. Dès les années 1890, ses jeunes femmes, si « parisiennes », ont été nommées « chérettes ». Atteints d’« affichomanie », les collectionneurs à la recherche de ses lithos ont reçu le surnom de « chérolâtres ». <o:p></o:p>
Apprenti, Chéret réalise des travaux de peu d’envergure comme des en-têtes de lettres, des images pieuses. Il illustre ensuite de nombreuses illustrations de couvertures de partitions. C’est en Angleterre, où il travaille de 1859 à 1866, qu’il libère sa manière en découvrant une production lithographique en couleurs et de grand format, plus avancée qu’en France. Il travaille pour le parfumeur Rimmel, qui lui fournit les fonds pour créer sa propre imprimerie lorsqu’il rentre à Paris. Au moment où se créent les Grands Magasins, naît ce que nous appelons publicité, qui s’appelait réclame. La litho en couleurs est son arme, Chéret un tireur d’élite. Travailleur infatigable, il contribue à donner aux murs de Paris de la couleur et du mouvement. Il est à l’aise pour attirer l’œil avec des contrastes de complémentaires, une composition dynamique, une marque et un slogan lisible.<o:p></o:p>
Chéret est de tous les rendez-vous : au moment des étrennes des Grands Magasins du Louvre, à l’apéritif avec le quinquina Dubonnet, accompagnant le service de livraison en banlieue de chez Félix Potin, prodiguant de sages conseils : « Si vous toussez, prenez une pastille Géraudel » et « Ne quittez pas Paris sans faire vos provisions chez Chatriot et Cie ». Epoque facile où l’on pouvait acheter, « Aux Buttes Chaumont », un complet de cérémonie pour 48 francs ! Soit 7,32 euros…<o:p></o:p>
Le caractère rétro de cette production graphique nous séduit. La réclame fut cependant vécue comme une agression de vulgarité, un triomphe de l’esprit utilitariste. Villiers de l’Isle-Adam s’est moqué de l’esprit commercial de son époque dans certains de ses contes cruels. Il imagine la projection d’images publicitaires dans le ciel, devenu enfin « utile » et laïque (L’affichage céleste) ; il invente une machine qui manipule les spectateurs de façon à faire réussir ou échouer une pièce de théâtre, manipulation qui n’est qu’un dérivé de la « Réclame » (La machine à gloire).<o:p></o:p>
Les spectacles font d’ailleurs appel à Chéret, les pièces du Théâtre de la Porte Saint-Martin, les opéras d’Offenbach (La Vie parisienne, 1866 ; Princess of Trebizonde, 1870), les bals de chez Frascati ou de l’Elysée Montmartre, les chansons d’Yvette Guilbert et les danses de Loïe Fuller (illustration) : cette dernière, « papillon de nuit vert d’eau », « pyrotechnie féminine » devant qui « tous les artistes entrent en transe », écrit Paul Morand dans 1900. <o:p></o:p>
Les éditeurs se lancent aussi dans la réclame pour lancer les romans. En 1889 paraît La Terre de Zola et La Gomme de Félicien Champsaur, écrivain oublié aujourd’hui pour qui Chéret a aussi dessiné la couverture d’Entrée des clowns (1886), celle de Lulu (1888).<o:p></o:p>
Chéret est encore mis à contribution pour annoncer quelques expositions, représentatives de l’époque : les Maîtres japonais en 1890, Adolphe Willette en 1888, peintre et illustrateur, haute figure montmartroise dont l’antisémitisme a été puni en 2004 par la Ville de Paris qui a débaptisé son square ; et encore l’exposition des « Arts incohérents » (1886), sorte de salon des Refusés informel et débridé.<o:p></o:p>
La réussite de Chéret en tant qu’affichiste donna l’idée à quelques-uns d’en faire un décorateur. Il travailla ainsi pour le musée Grévin, l’Hôtel de ville de Paris, la préfecture de Nice. Chéret transpose ses clowns, ses femmes, ses farandoles. Les sujets sont festifs, le carnaval, la comédie, les jeux… Les maquettes et les esquisses sont au pastel sur toile. Ces pastels acidulés, aux éclairages contrastés – ceux de l’électricité –, faciles et enlevés, ne sont pas sans charme. <o:p></o:p>
Comme Rodin, Chéret travaille pour Maurice Fenaille (Neuilly), pour le baron Vitta (Evian). Ses huiles sont contestables. Deux toiles allégoriques (La Terre et l’Air) sont d’un mauvais goût 1900 achevé. L’allégorie de la Sculpture ne vaut pas mieux. D’odieux portraits : Marie Chéret (1885), la baronne Vitta (1908), mais un délicieux Jean Lorrain en fumeur de narguilé, tableautin de 1894.<o:p></o:p>
Il travaille également pour les Gobelins (paravent, sièges, tapis), sans changer pour autant de registre. Décidément, Chéret est l’homme d’une technique – la litho – et d’un registre : la réclame. Lui demander autre chose serait source de déception. Rien n’est plus parlant que lui opposer les affiches de Lautrec, qui y a mis tant d’art. <o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
La belle époque de Jules Chéret : de l’affiche au décor.
Jusqu’au 7 novembre 2010, musée des Arts décoratifs.
illustration : Jules Chéret, affiche pour Loïe Fuller aux Folies-Bergère, 1893 © Les Arts Décoratifs / Jean Tholance<o:p></o:p>
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Par schwa1 le 10 Septembre 2010 à 13:09
Au musée d’Orsay<o:p></o:p>
De la statue au bibelot<o:p></o:p>
Présent du 11 septembre 2010<o:p></o:p>
Carpeaux et Dalou ont tous deux vu leurs œuvres abondamment diffusées par le biais de reproductions ; pas tous deux dans les mêmes conditions ni avec le même assentiment. Seize élèves de l’Ecole du Louvre ont travaillé sur ce sujet et réalisé une exposition, tout à fait digne du musée d’Orsay.<o:p></o:p>
La reproduction en nombre et dans des formats divers devient possible au XIXe. La fonte au sable, moins difficile, et la réduction mécanique grâce à un pantographe en trois dimensions, plus rapide (procédé Collas), donnent les moyens d’une production en quantité et peu coûteuse, à partir d’un chef-modèle démontable. A cette production, une clientèle idéale : une bourgeoisie qui considère l’art avec méfiance, mais forcée de l’admettre au nom du « standing », donc disposée à acheter des œuvres à un prix minimum et sans en apprécier nécessairement la qualité.<o:p></o:p>
Des dizaines de fonderies se créent, Barbedienne, Susse… Elles signent avec les artistes des contrats d’édition. Pradier et Rude, au début des années 1840, sont parmi les premiers à s’engager dans cette voie. Les fonderies font de la publicité dans les journaux, sous le titre par exemple de « bronzes d’art pour pendules et ameublement ». Des Jeanne d’Arc, des Napoléon III, des odalisques nues ou habillées (d’après Ingres), des allégories de la Science, des Vénus à coquille et des Négresses à torchère peuplent les dessus de cheminée.<o:p></o:p>
Carpeaux et la joliesse<o:p></o:p>
Carpeaux (1827-1875) est connu pour La danse, groupe au pied de la façade de l’opéra Garnier. In situ se trouve une copie par Paul Belmondo, l’original est au musée d’Orsay. Sculpture accordée à l’architecture : c’est relativement creux. Elève de Rude, prix de Rome 1854, Carpeaux est très demandé par l’Empire. Il réalise le tympan du pavillon de Flore (Louvre), qu’on peut voir depuis le pont Royal, dont Orsay a une maquette à demi grandeur. Le musée possède également un exemplaire de la fontaine de la place Camille-Jullian, dite « fontaine Carpeaux » : les quatre femmes (l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Europe) sont les morceaux les plus honnêtes du sculpteur.<o:p></o:p>
En matière de statuettes, Carpeaux a fourni des pêcheuses, des jeunes mères, des amours, un Napoléon Ier méditant (digérant ?)… Il est typiquement le pourvoyeur en sujets de pendules. Une déconsidération justifiée s’attache à cette partie de son « œuvre ». De son vivant il a travaillé avec la fonderie Barbedienne ; ses héritiers, en 1914, signent avec la maison Susse.<o:p></o:p>
Dalou et la rudesse<o:p></o:p>
C’est grâce au soutien de Carpeaux que Dalou (1838-1902) entre à la Petite Ecole, antichambre de l’école des Beaux-Arts. Il s’y lie avec Rodin. La carrière de Dalou est moins aisée. Quatre échecs au prix de Rome ne le disposent pas favorablement envers le cursus officiel. Chargé, par Courbet, de surveiller les collections du Louvre pendant la Commune, il doit s’exiler ensuite en Angleterre, jusqu’à son amnistie par Jules Grévy en 1879. <o:p></o:p>
Sculpteur républicain, sculpteur des ouvriers, des petits métiers, Dalou a un art plus viril que celui de Carpeaux. Son talent est reconnu au début des années 1880. Sa grande œuvre est le Triomphe de la République, installée place de la Nation (1899). <o:p></o:p>
Dalou se montre réticent à l’égard du bronze à-tout-va. Sa réaction est naturelle de la part d’un sculpteur : « Un ouvrage est fait pour une matière et une dimension. L'en changer est le dénaturer. » Jusqu’en 1899 il refuse l’édition de ses œuvres, avant de signer avec Susse, tout en limitant les tirages. C’est sa fille, à sa mort en 1902, qui signe avec la maison Susse pour une diffusion illimitée de soixante-seize œuvres. Une fille handicapée mentale qu’il a dû être facile de circonvenir. Le Travailleur (illustration) se décline en quatre tailles. La Porteuse de gerbes, la Porteuse de lait, la Liseuse, le Tonnelier, le Tueur à l’abattoir, etc., ces personnages bien observés et bien campés se multiplient comme la Sabine de Marcel Aymé et de la répétition naît le bibelot.<o:p></o:p>
***<o:p></o:p>
La diffusion de bronzes a séduit, parmi les artistes, ceux qui étaient prêts à sacrifier une part d’art pour une part d’argent, et ceux qui croyaient favoriser la démocratisation de l’art. Trop de sculpteurs s’y étant déshonorés, une réaction a lieu aux alentours de 1900 : l’incompatibilité de l’art et du nombre est une évidence. Les sculpteurs reviennent à la fonte à la cire perdue, plus difficile que la fonte au sable mais seule à garantir la fidélité aux plans, se tournent vers les tirages en nombre limité. C’est l’échec de la l’industrialisation de l’art, de sa « démocratisation » – qui n’a été en fait qu’un embourgeoisement. La production continue encore quelque temps, médiocre.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Tous collectionneurs ! Carpeaux et Dalou édités par la maison Susse.
Jusqu’au 7 novembre 2010, musée d’Orsay.
illustration : Jules Dalou, Grand Paysan ou Le Travail n°3, chef-modèle, Susse Frères fondeur © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski<o:p></o:p>
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