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Patrimoine<o:p></o:p>
Une tour chargée d'ans<o:p></o:p>
Présent du 23 février 08<o:p></o:p>
La Tour Saint-Jacques, verticale essentielle de l'axe Rivoli entre Hôtel de Ville et Châtelet, émerge peu à peu des bâches. La pose d'échafaudages en 2001 pour protéger les passants a permis l'étude précise des dégâts occasionnés par le temps et les hommes, et sa rénovation qui sera achevée l'automne prochain. S’ensuivra une refonte du square Victoria.<o:p></o:p>
La tour est le seul vestige de l'église Saint-Jacques le Majeur, dite Saint-Jacques la Boucherie en raison de l'activité du quartier, église signalée au bord de l'importante voie Saint-Martin dès le onzième siècle. L'église d'une paroisse aussi bien située était appelée à se développer, ce qu'elle fit de façon désordonnée, par adjonctions au fil des siècles. <o:p></o:p>
Le célèbre Nicolas Flamel offrit le financement d'un portail latéral nord en 1389. La légende explique sa richesse prodigieuse par la pratique couronnée de succès de l'alchimie : il aurait acquis un mystérieux manuscrit pour le déchiffrement duquel l'aurait éclairé un médecin juif converti rencontré à Saint-Jacques de Compostelle, aurait été maître du Prieuré de Sion... le cursus habituel de l’hermétiste qui prend sa retraite dans Harry Potter. La fortune de Nicolas Flamel, qu'il utilisa à des œuvres très charitables, est due plus prosaïquement à son activité de libraire et à des opérations immobilières intéressantes. La façade de sa maison, non loin de là, rue de Montmorency, donne une idée de l'architecture civile du début du XVe. Une rue Pernelle, toute proche, garde le souvenir de son épouse. <o:p></o:p>
La tour qui nous intéresse fut édifiée comme clocher entre 1509 et 1522. Elle est immédiatement postérieure à la chapelle de l’hôtel de Cluny (Présent du 1er déc. 07) et, comme elle, témoigne de la santé du gothique en de certaines mains, quand dans d'autres il dégénérait et alors que la pré-renaissance se dessinait. Sa décoration est d'un flamboiement mesuré. D'une hauteur de cinquante-deux mètres auxquels s'ajoutent les neuf mètres de la statue sommitale et son socle, elle abritait un carillon de douze cloches réputé pour sa musicalité. <o:p></o:p>
Blaise Pascal y aurait fait des expériences concernant la pesanteur en 1653 – d'où sa statue placée au pied de la tour au XIXe – mais suivant des Parisiens réfléchis ces expériences auraient plutôt eu lieu à Saint-Jacques du Haut-Pas, sa paroisse. (Restons dans la science : en 1891, un service météorologique fut installé au sommet de la tour Saint-Jacques. A l’époque on annonçait un refroidissement climatique inquiétant. Dans une saynète de François Valade, un académicien, Pancrace, explique que le « feu central de la nature se meurt » ; à quoi répond une baronne : « La science dit vrai: quand j'étais jeune fille, je n'avais jamais froid. »)<o:p></o:p>
Fermée au culte en 1790, l'église fut vendue comme carrière de pierres. Disparaissait alors un vaste édifice riche des ajouts successifs. Le clocher, conservé, fut rapidement entouré de constructions variées. Il servit à un fondeur de plombs de chasse, à qui les cinquante mètres de haut, une fois les planchers d'étages démolis, servaient utilement son activité : les billes de métal fondu étaient lâchées d'en haut et parvenaient refroidies en bas. Deux incendies marquèrent cette période. <o:p></o:p>
L'avenir de la tour semblait compromis mais en 1836, à l'instigation de François Arago, la Mairie de Paris acheta la tour. Sous Haussmann, le percement de la rue de Rivoli occasionna son dégagement. Le gros œuvre fut repris à la base, les parties basses sont donc récentes tandis que le sommet est ancien ; pour ce genre de construction, l’inverse est plus fréquent. Les abat-son furent remplacés par des vitraux. La sculpture fut restituée : une vingtaine d'artistes travaillèrent à garnir les niches en façade, à restaurer les cinq sculptures du sommet (le tétramorphe et la statue de Saint Jacques). Ces dernières durent être remplacées dès 1912 par des copies, car les conditions climatiques les avaient endommagées ; les chutes de pierres exigèrent la pose d'échafaudage et une restauration. Idem entre 1932 et 1937; travaux en 1968; interventions d'alpinistes en 78, en 90. Il était temps d'enrayer ce cycle de dégradations et d'interventions de fortune.<o:p></o:p>
La restauration des murs, des vitraux, des sculptures tant du XVIe que du XIXe a été réalisée à l'aide des techniques les plus traditionnelles assistées des plus modernes (laser, informatique). Il faut espérer qu'une longue période de stabilité s'ouvre pour cette charmante tour. S'il reste peu des sculptures originales, l'essentiel subsiste : une jolie silhouette élégante, fine, dentelée. « Le riche clocher carré de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, avec ses angles tout émoussés de sculptures... » écrivait Victor Hugo, qui voyait dans le tétramorphe du sommet « quatre monstres qui, aujourd'hui encore, perchés aux encoignures de son toit, ont l'air de quatre sphinx qui donnent à deviner au nouveau Paris l'énigme de l'ancien... »<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
illustration: Schwa Ltd, D.R.
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tours parisiennes / Temple Sainte-Marie / Collège des Bernardins <o:p></o:p>
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Au musée de l’Assistance Publique<o:p></o:p>
Géronte pensionnaire<o:p></o:p>
Présent du 16 février 08<o:p></o:p>
Le musée de l’AP-HP occupe une partie de l’Hôtel de Miramion, sur la paroisse de Saint-Nicolas du Chardonnet, où Mme de Miramion (1629-1696), célèbre d’abord pour avoir été, sans dommage pour son honneur, enlevée par Bussy-Rabutin, installa sa communauté de filles enseignantes et soignantes. On sait l’essor au XVIIe des congrégations aux services des pauvres, des malades, et des plus vulnérables vieillards. Ceux-ci, depuis le Moyen Age, n’avaient guère que les monastères pour abriter leurs dernières années, mais le XVIIe se caractérise par la tentative d’établir une aide plus rationnelle.<o:p></o:p>
En 1789 la notion d’assistance remplaça celle de charité et un Comité de mendicité fut chargé de l’organiser. Le musée de l’AP-HP revient sur les deux siècles d’accueil des personnes âgées à Paris qui ont suivi. <o:p></o:p>
L’hébergement des personnes âgées défavorisées ne fut pas uniforme, car dès la période révolutionnaire l’énormité de la tâche empêcha la nationalisation des moyens d’accueil et délégua ceux-ci à la responsabilité des municipalités, tandis qu’au XIXe reprenaient les initiatives religieuses (Petites sœurs des pauvres de Jeanne Jugan – 1839) et laïques (fondation Rossini, par sa veuve, pour accueillir les vieux chanteurs – 1889).<o:p></o:p>
Pour s’en tenir à l’assistance officielle, trois photographies parlantes : à Sainte-Périne, où sont accueillis les fonctionnaires retraités en difficulté, chambres individuelles meublées ; à la Salpêtrière (et Bicêtre) dortoir de deux rangées de lit à courtines avec chaises et table personnelles ; à Nanterre, dortoir à quatre rangées de lit sans rideau. C’est à Nanterre qu’échouaient les pensionnaires renvoyés d’autres établissements pour alcoolisme ou mauvais comportement. <o:p></o:p>
A conditions distinctes, rations de vin différentes : 52 cl de vin quotidien à Sainte-Périne, 32 cl à Bicêtre et 25 cl à Nanterre. La ration de vin et de tabac a toujours été codifiée par l’administration. C’était un sujet sensible, objet de contestation de la part des pensionnaires, qui n’hésitaient pas, dans ce domaine comme dans d’autres, à réclamer par voie de pétition. Imaginer des personnes âgées hébergées dans des conditions déplorables, sous la férule d’une administration omnipotente est une erreur. La cruauté du système, bien intentionné, apparaît surtout dans la séparation des conjoints indigents ou incurables, placés dans deux hospices différents.<o:p></o:p>
Globalement la vie quotidienne n’était pas noire. La corvée d’épluchage, par exemple, n’est pas à considérer comme une exploitation mais à replacer dans le cadre du travail en général (imprimerie, artisanat…) organisé à titre d’hygiène de vie, de maintien de vie sociale. Obligatoire jusqu’en 1897, elle devint ensuite volontaire et rémunérée (illustration). Dans le domaine des loisirs, la qualité et la variété des programmes musicaux et théâtraux proposés surprennent, ainsi que leur fréquence. <o:p></o:p>
Un repère important des hospices et maisons de retraite était la chapelle, où messes et instructions religieuses étaient fréquentes. La fête patronale de l’établissement était l’occasion de cérémonies qui dépassaient largement le cadre de l’institution. Un carton à la typographie surannée invite ainsi à la fête de l’Asile des Cinq Plaies de Notre-Seigneur, « asile pour les femmes incurables et les jeunes filles idiotes » (1883).<o:p></o:p>
Pratiques religieuses inexistantes ou presque, de nos jours. Les plaquettes présentant telle ou telle résidence placent la messe occasionnelle à la rubrique Animations, entre le karaoké et le macramé, ou après la coiffeuse et l’esthéticienne. Révélatrice, la disparition, dans le vocabulaire du personnel de maisons de retraite, des mots « agonie » et « mort ». L’expression « fin de vie » les remplace tous deux. « Mme Untel est en fin de vie », « On a eu une fin de vie » sont les tournures correctes qui révèlent un tabou prégnant. Toute préoccupation spirituelle est absente de la gérontologie, qui semble n’être que la version scientifique des mythes de la Fontaine de Jouvence et du Chaudron de régénération : loin sont les ars moriendi. <o:p></o:p>
L’essai de Simone de Bobeau est lisible (La vieillesse, 1979) mais autrement supérieur est un texte plein d’humanité assaisonnée d’humour : Les derniers jours d’Emmanuel Kant, de Thomas De Quincey, vie imaginaire à la manière de Marcel Schwob (et d’ailleurs traduite par lui, réédition Allia, 2004). Kant nous est dépeint vieillissant, perdant peu à peu ses facultés, mais soutenu par la régularité de sa vie et la délicatesse de ses amis et domestiques. Démonstration de dignité dans le déclin, cette œuvrette est un soin palliatif à l’usage des angoissés du vieillissement.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Voyage du pays de Gérousie, jusqu’au 15 juin,
Musée de l’Assistance Publique, 47 quai de la Tournelle, Paris Ve.
illustration : La corvée d’épluchage à l’hospice d’Ivry, vers 1910 © AP-HP/Archives<o:p></o:p>
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Au musée d’Orsay<o:p></o:p>
L’Art nouveau d’A. Charpentier<o:p></o:p>
Présent du 9 février 08<o:p></o:p>
Alexandre Charpentier (1856-1909) est un artiste dont les histoires de l’Art nouveau ne mentionnent parfois pas le nom. Le musée d’Orsay expose de façon permanente une salle à manger, boiseries et meubles, créée par lui ; et, pour quelques mois, des sculptures et du mobilier.<o:p></o:p>
L’Art nouveau est une réaction aux styles néo-quelque chose et composites, bâtards, dans lesquels le XIXe a stagné. Il peut prêter à sourire : la prolifération de courbes contournées et affectées est rapidement nauséeuse. C’est qu’on en juge d’après la période des suiveurs, quand le style était devenu recette. La période créative, exigeante, de l’Art nouveau s’étend sur une quinzaine d’années et culmine à l’Exposition universelle de 1900. Cette période écoulée, les artistes créateurs se retirent pour se libérer des courbes et leur postérité sera l’architecture des années vingt et trente.<o:p></o:p>
A. Charpentier est sculpteur de formation, de veine naturaliste. Des bustes en terre cuite, sans surprise, font craindre un art sec. Son talent se déploie dans le bas-relief, le profil médaillé, art ingrat pourtant. Il a beaucoup portraituré ses jeunes enfants sous cette forme, avec bonheur.<o:p></o:p>
La série de médailles la plus originale est celle des acteurs, auteurs et administrateurs du Théâtre libre (dit aussi Théâtre Antoine, du nom de son fondateur). Portraits enlevés, ils dépassent le naturalisme originel du sculpteur, tout comme les programmes et affiches qu’il dessina – la postérité a retenu ceux de ses confrères Vuillard, Signac ou Lautrec. Le Théâtre libre, d’abord voué à la représentation des pièces naturalistes, fut surtout une victoire sur l’ampoulé et le cabotinage ; des auteurs fort éloignés de l’école de Médan, voire opposés, Villiers de l’Isle l’Adam par exemple, y furent joués. Reste que les gens qui œuvrèrent dans ses coulisses et sur scène furent souvent des anarchistes puis des dreyfusards, à commencer par Charpentier dont deux médailles sont explicites : un hommage à Zola, et Prolétaires de tous les pays, etc. <o:p></o:p>
Cependant l’Art nouveau, en inventant le design, en s’élevant contre la laideur de la production industrielle à destination des masses, en créant des objets, des meubles uniques ou à tirages limités, aboutissait à un art élitiste. Seuls des gens fortunés pouvaient commander l’ameublement et la décoration d’une salle de billard, d’une salle de bains luxueuse. On est loin des acquis sociaux et autres préoccupations « généreuses ».<o:p></o:p>
Charpentier dessina des serrures, des encriers, des balayettes à miettes. Son premier meuble est une armoire à layette, dont il existe une version en sycomore et une en poirier. Elles sont ornées de bas-reliefs qui reprennent de ses sculptures, dont Jeune mère allaitant son enfant. <o:p></o:p>
Le meuble le plus étonnant, car il fallait en avoir l’idée, est destiné à ranger les instruments d’un quatuor à cordes. Ils sont placés dans la partie centrale vitrée, laquelle est encadrée de casiers et d’étagères. Il est accompagné de deux remarquables pupitres (illustration – parfois décrits comme lampes !) en charme et bois de tamo. L’amour de la musique explique ce meuble. Charpentier était violoncelliste, suivait les concerts de Vincent d’Indy, Eugène Ysaÿe. Une amitié intime le liait à Debussy, qui lui dédia une pièce des Images pour piano.<o:p></o:p>
Venons-en aux ensembles, créations ambitieuses. Peu ont résisté aux évolutions du goût : en matière d’ameublement, la mode est impitoyable. Les meubles de la salle de billard, commandés par le baron Vitta pour sa villa d’Evian-les-Bains (1898), sont sobres et de couleurs claires. Le billard lui-même, le porte-queues, la table et les sièges (dont une très belle banquette) prenaient place dans un décor réalisé par Jules Chéret pour les peintures des murs et plafonds, et Félix Bracquemond (lambris, console et miroir). Cette pièce connut une grande gloire, assurément méritée.<o:p></o:p>
La salle à manger acquise par le musée en 1977 fut installée en 1901 dans la maison d’Adrien Bénard, à Champrosay (Essonne). Adrien Bénard était banquier et fut l’un des promoteurs du Métropolitain. Il manque les vingt-quatre chaises et le lustre, mais restent la table et l’essentiel : les lambris qui habillaient toute la pièce, dans lesquels s’intègrent dressoirs et vitrines. Le végétal est très présent, dans les motifs sculptés mais aussi dans les courbes, typiques de l’Art nouveau, qui sont autant de tiges de fleurs. Ici, elles ne sont pas envahissantes et c’est heureux car l’inclusion, dans l’architecture, de courbes autres que des segments de cercle constitue certainement le point faible de l’Art nouveau : l’œil ni l’esprit n’y trouvent leur compte.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
A. Charpentier – Naturalisme et Art Nouveau,<o:p></o:p>
jusqu’au 13 avril, Musée d’Orsay<o:p></o:p>
illustration : Pupitre à musique, musée des Arts décoratifs © Laurent Sully Jaulmes, D.R.<o:p></o:p>
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Au musée de l’Homme<o:p></o:p>
L’Eve actuelle<o:p></o:p>
Présent du 2 février 08<o:p></o:p>
Titouan Lamazou (né en 1955 au Maroc) est connu du grand public pour sa carrière nautique : équipier de Tabarly, vainqueur du premier Vendée Globe (1990) et de la Route du Rhum (à consommer avec modération), fondateur avec Florence Arthaud du Trophée Jules Verne.<o:p></o:p>
C’est comme artiste qu’il se fait un nom désormais. Ayant mis fin à sa carrière de navigateur en 1993, il est revenu à sa première passion, la peinture, qu’il a plus jeune étudiée aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence. L’exposition « Femmes du monde » récapitule six années de voyages à travers la planète à dessiner et photographier des femmes, jeunes filles, grands-mères, coiffeuses, religieuses (illustration), danseuses, mères de famille… <o:p></o:p>
L’œuvre est séduisante. Grands tirages photographiques, croquis au pinceau, gouaches sur papier, etc. : Titouan Lamazou maîtrise ses moyens techniques, pour un résultat souvent plus proche de l’illustration que de la peinture, ce qui en soi n’est pas un défaut mais donne à tous ses visages un caractère répétitif, malgré la diversité des types – écho très affaibli du travail des peintres orientalistes, des artistes des salons coloniaux (1881-1962), qui voyageaient en Afrique noire, au Maghreb, en Asie ; je pense en particulier à Charles Cordier, dont on admira les bustes en 2004 au musée d’Orsay. <o:p></o:p>
Ce rapprochement sera-t-il du goût de Lamazou ? « Les légendes très succinctes ne font aucune allusion aux pays d’origine de mes modèles. Cela est délibéré de ma part et reflète ma défiance à l’égard de la notion de nation », explique T. Lamazou, qui souhaite présenter chacune de ces femmes « en dehors de son appartenance ethnique, confessionnelle et a fortiori nationale ». Discours convenu, et paradoxal puisque l’ensemble se veut un hymne à la diversité, laquelle est manifestement liée à des appartenances ethniques, confessionnelles et, pour une part difficile à mesurer mais certaine, nationales. <o:p></o:p>
Les mécènes enfoncent lourdement le clou. Outre l’Unesco, France 5 ou Gallimard, le Musée de l’Homme loue cette manifestation « aux antipodes du refus de l’Autre », mais ces antipodes ne seraient-ils pas le refus de Soi ? La présence d’un mécène tel que L’Oréal semble le corroborer puisqu’on connaît la position de son président Jean-Paul Agon : « aujourd’hui, lorsque nous rencontrons un candidat qui a un prénom d’origine étrangère, il a plus de chance d’être recruté que celui qui porte un prénom français de souche. »<o:p></o:p>
Titouan Lamazou est donc solidement arrimé à quelques bittes conformes aux normes européennes, ce qui surprend de la part d’un marin, que nous autres du plancher des vaches imaginons épris de liberté.<o:p></o:p>
Cet hommage aux filles d’Eve, quoi qu’il en soit, est la preuve d’une bonne santé et fait plaisir à voir. Mais l’artiste ayant laissé les femmes dans leur décor quotidien, tout n’est pas que joie : leurs conditions de vie ne sont pas toujours roses.<o:p></o:p>
Parfois, ab ovo, elles ont du mal à naître. L’Inde et la Chine connaissent des avortements massifs de fœtus féminins. Le déséquilibre créé est affolant : 40 millions d’Indiens et autant de Chinois ne trouveront pas d’épouses. Cela occasionne un commerce matrimonial : achat d’épouse préalablement enlevée, polyandrie… Il est de bon ton, en Occident post-chrétien, de s’émouvoir avec discrétion à ce sujet. Avortements décidés pour des raisons économiques par des couples aisés à qui l’échographie est accessible, ils ne sont qu’une variante de l’avortement de confort tel qu’il se pratique chez nous.<o:p></o:p>
En Afrique noire, sur une bande Est-Ouest entre le 5e et le 20 parallèle nord et dans des proportions diverses suivant les pays, l’excision menace les fillettes. Titouan Lamazou aborde la question avec des schémas. C’est violent. L’excision se décline sur différents modes, le plus radical et le plus ignoble étant l’infibulation, qui consiste à coudre partiellement les grandes et petites lèvres. Pratique d’origine animiste, l’excision trouve dans les mentalités musulmanes un surcroît de justifications.<o:p></o:p>
La France, du fait de ses racines animistes ? ne peut ignorer le problème : on estime à 60°000 sur notre territoire le nombre de filles déjà excisées ou menacées de l’être. Les spécialistes de la question, en général des médecins travaillant en PMI, sont peu entendus. Le plan typique consiste à déscolariser les filles en fin d’école primaire, à les envoyer « au pays » où elles sont excisées et mariées, et à les faire revenir en France à 16 ans, domestiquées et traumatisées. Citoyens du monde comme il se doit, vous et moi avons beau nous persuader de la parfaite égalité des pratiques culturelles de tout poil, notre balance interne nous signale de temps à autre un déséquilibre flagrant.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Zoé-Zoé – Femmes du monde, jusqu’au 30 mars, <o:p></o:p>
Musée de l’Homme, Place du Trocadéro.<o:p></o:p>
illustration : Rose-Mary © Titouan Lamazou<o:p></o:p>
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Nouveauté
Xavier Martin
Régénérer l'espèce humaine,
Utopie médicale et Lumières (1750-1850), éditions DMM
Programmer la refonte à long terme de "collections d'hommes prises en masse" pour les conformer à "un type parfait", ou en d'autres termes "s'emparer à l'avance des races futures et tracer le régime du genre humain": de source médicale, voilà le type de voeu assez peu anodin qu'on entendait en France autour de 1800.
Il est de fait que l'esprit des Lumières, en voulant reconstruire le social à paritr de l'individuel, et en tendant parallèlement à réduire l'homme à l'organique, suggère clairement la compétence, en politique fondamentale, du "médecin philosophe". Certains auteurs de premier rang proclament nettement et justifient ce magistère.
Le contexte révolutionnaire, en semblant rendre tout "possible", vient stimuler les imprudences réformatrices de cette nature, et d'autant plus que les déconvenues des premières années assoient la conviction, chez les théoriciens, d'une effective urgence de repétrir radicalement la pâte humaine pour l'adapter aux bons principes.
Pour d'évidentes raisons techniques, ce type de dessein n'a dans l'immédiat aucune suite pratique. Mais la logique intellectuelle dont il procède, qu'amplifie le scientisme du XIXe siècle, donnera des fruits assez notoires dans certains totalitarismes du siècle suivant, et n'est sans doute guère étrangère aux fondements doctrinaux de la bioéthique contemporaine.
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