• Aux musées de Cluny

    & d’Ecouen<o:p></o:p>

    Prélats

    et mécènes<o:p></o:p>

    Présent du 1er décembre 07<o:p></o:p>

    En deux volets, l’un au musée du Moyen Age, l’autre au musée de la Renaissance, « L’art des frères d’Amboise », en comparant les chapelles des frères prélats Jacques et Georges, met en évidence la fécondité du gothique et les prémices de la Renaissance à la date charnière de 1500, ainsi que l’implication, dans la vie artistique, d’une riche et puissante famille. Exposition délibérément peu grand public – goûter une nervure ou apprécier un rinceau sont des activités dont la télévision n’a pas jugé utile de tirer une émission de télé-réalité –, elle est l’occasion d’une visite à Cluny et au méconnu château d’Ecouen.<o:p></o:p>

    Une chapelle gothique…<o:p></o:p>

    Avant de devenir évêque de Clermont-Ferrand, Jacques d’Amboise fut abbé de Jumièges puis de Cluny. C’est dans les années 1490 qu’il fit édifier la chapelle de son hôtel, l’actuel musée de Cluny. Vitraux, mobilier et statues ont été détruits en 1790, mais son caractère privé l’a mise à l’abri des remaniements architecturaux.<o:p></o:p>

    De taille modeste, elle est construite sur plan carré avec une abside semi-circulaire. Ses voûtes à ogives, liernes et tiercerons, dont les voûtains sont ornés de flammes, retombent sur un pilier central octogonal (ill.). Dans un coin, l’escalier est délimité par une clôture en pierres ajourée, fermée par une porte sculptée. Les consoles à mi-mur sont ornées de vignes, de feuilles de chêne, avec de petits animaux : oiseaux, chimères, singe enchaîné, lapins. L’ensemble est nettement gothique, seules les peintures de l’abside, deux saintes femmes, sont de style italianisant. On les attribue à Guido Mazzoni, de Ferrare, qui séjourna en France de 1497 à 1516.<o:p></o:p>

    La visite n’est complète qu’en allant voir la chapelle de l’extérieur depuis le jardin. On comprend que l’abside est prise dans la tourelle en encorbellement ; que le rez-de-jardin, lui-même voûté d’ogives retombant sur un pilier central, ouvert sur l’extérieur par deux arches, permettait d’accéder à la chapelle par l’escalier.<o:p></o:p>

    Et une chapelle pré–Renaissance<o:p></o:p>

    Georges d’Amboise, archevêque de Rouen, fut le principal conseiller de Louis XII et Anne de Bretagne. Son château de Gaillon a été détruit à la Révolution, et le décor de la chapelle dispersé. Les éléments réunis permettent de se faire une idée de cette chapelle, plus ambitieuse que celle de Cluny. <o:p></o:p>

    Signe de la modernité du commanditaire, sa réalisation a fait la part belle à la collaboration entre artistes français et italiens. Ricardo da Carpi et Nicolas Castille ont travaillé aux clôtures du chœur. Andrea Solario a réalisé les peintures (reste une Déploration). Antonio Justi a modelé grandeur nature le Christ et les apôtres (restent le Christ, St. Jacques, une tête – illustration). Michel Colombe, alors octogénaire, a sculpté le beau retable (St. Georges combattant le dragon), encadré de rinceaux dus au ciseau de Jérôme Pacherot, originaire de Fiesole, ramené en France par Charles VIII en même temps que Mazzoni. <o:p></o:p>

    Or on doit à Antonio Justi et à son frère le tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne (1531) ; à Michel Colombe, le tombeau du père de la même Anne, dont Jérôme Pacherot réalisa la décoration (1499, Nantes) ; c’est ce dernier, encore, qui sculpta les rinceaux des tombeaux des enfants de la reine Anne (Tours). Le fonctionnement d’une équipe formée d’artistes spécialisés, habituée à travailler pour des commanditaires réguliers, apparaît pleinement. On devine, active, la présence de Jean Perréal, dit Jean de France, peintre qui se fit agent artistique, intermédiaire, et contribua à acclimater l’art italien. En ce début du seizième siècle, la Renaissance entre par la petite porte, celle des ornements. <o:p></o:p>

    Ces données assez sèches ne doivent pas cacher une dimension essentielle : la dévotion personnelle du cardinal. Dévotion classique pour son saint patron St. Georges (retable, panneau de stalle, bas-relief de l’orgue) ; dévotion plus particulière pour la Vierge de Pitié, qui figurait sur son sceau et qui est le sujet du tableau de Solario, d’un bas-relief de la tribune.<o:p></o:p>

    Le décor perdu des deux chapelles montrait également, par le biais des priants et des armes, la grandeur et la réussite de la famille d’Amboise. Fierté justifiée, puisque les autres frères n’ont pas démérité : Louis, évêque d’Albi, a fait réaliser les sculptures du chœur d’Albi et a orné son château de Combéfa, Pierre, évêque de Poitiers, s’est occupé de son château de Dissay (Vienne) et Charles, gouverneur d’Italie, de son château de Meillant (Cher).<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    L’art des frères d’Amboise, jusqu’au 14 janvier 2008 :<o:p></o:p>

    Musée de Cluny & Musée de la Renaissance, château d’Ecouen

    illustration 1 : Voûtes de la chapelle de l’hôtel de Cluny © Photo RMN / T. Ollivier<o:p></o:p>

    illustration 2 : Antonio Giusto, tête d’apôtre, Louvre © RMN / D. Arnaudet<o:p></o:p>


    votre commentaire
  • Rions beaucoup... avec la Fête de l'Huma.


    votre commentaire
  • A l'attention des Jeunes de Villiers-le-Bel, un message pacifique:


    votre commentaire
  • Au musée du quai Branly<o:p></o:p>

    L’art royal

    du vieux Bénin<o:p></o:p>

    Présent du 24 novembre 07<o:p></o:p>

    Le Royaume du Bénin (XIIe-XIXe) ne correspond pas au pays connu sous ce nom, mais à un territoire du sud de l’actuel Nigeria, à l’ouest du fleuve Niger. L’art qu’il a laissé est un des plus grands d’Afrique noire et le plus accessible à nos yeux européens car il présente des caractéristiques proches de celles de nos arts. Le contact constant avec les Portugais dès 1486 a été proposé comme explication à cette particularité. En réalité, il n’apparaît ni ex nihilo ni ex abrupto. Juste à l’ouest du royaume, les terres cuites de la civilisation d’Ifé (premiers siècles avant notre ère), annoncent celles de la civilisation de Nok (Xe-XIVe), qui pratiqua également la fonte et dont un fondeur, d’après la tradition des Bini, leur en apprit la technique. <o:p></o:p>

    La transmission ne fut pas seulement technique, mais aussi artistique. Les têtes des rois et reines mères (ill.) sont dans la lignée des têtes d’Ifé. Elles servaient autant à commémorer le roi défunt qu’à légitimer son successeur. Figuratives, personnalisées, elles sont dépourvues d’expression psychologique. L’impassibilité du visage exprime la majesté royale et donne à la forme sa plénitude.<o:p></o:p>

    A l’aise dans la ronde bosse – on voit, outre ces têtes, des statuettes en pied, des animaux –, les artistes ont déployé tout leur talent dans les reliefs. Ces plaques en laiton décoraient les colonnes en bois du palais. Elles racontent les rituels de la cour, représentent le Roi, les dignitaires, les guerriers – pas de femmes dans l’art béninois, hormis la Reine Mère et ses suivantes. Le goût de la composition et l’amour du détail en font des œuvres narratives, originalité indéniable par rapport au reste de l’art africain. La composition est frontale, avec des personnages proportionnés à leur fonction ; peut-être parfois la petitesse suggère-t-elle l’éloignement. Seules deux plaques ont une composition spatiale : des Portugais chassant le léopard, une chasse aux oiseaux.<o:p></o:p>

    L’amour du détail, subordonné au tout (la décadence, au cours du XVIIIe, sera marqué par l’envahissement des détails), permet d’apprécier les armes, les objets, les costumes. La confrontation de ces objets avec leurs représentations montre le souci d’exactitude des artistes. Les costumes des dignitaires offrent quantité de motifs : bras, têtes, fleurs, entrelacs, dents de scie, etc. Le palais qu’ornaient ces plaques a disparu, mais on se le représente bien grâce aux représentations du palais sur ces plaques mêmes.<o:p></o:p>

    L’omniprésence des Portugais dans l’art béninois reflète l’amitié entre les deux royaumes (en 1505 le roi Manuel offrit un cheval au roi Esigie), entre les deux peuples. On reconnaît les Portugais à leurs cheveux longs, leur barbe, leur costume, et les objets qui les accompagnent : arbalète, mèche de canonnier, puisque des Portugais participèrent aux campagnes guerrières du Royaume, manilles (volumineux bracelet de métal) qui servaient de monnaie d’échange et permirent, apport considérable de métal, de donner un magnifique développement à l’art royal. <o:p></o:p>

    Les Béninois rapprochèrent les Portugais arrivés par bateau du dieu de la mer qui accorde richesse et fécondité, ce qui se vérifia. Fécondité artistique, richesse grâce aux intenses échanges commerciaux. Le commerce, régulé par le roi, permettait d’exporter esclaves, poivre, ivoire, coton, raphia, et d’importer cauris de l’Océan indien, étoffes européennes et indiennes, coraux, armes à feu, alcool et métaux. <o:p></o:p>

    Cette période faste, profitable aux uns et aux autres, se dégrada lentement avec l’accroissement de la puissance des dignitaires au détriment du pouvoir royal, avec l’effacement des Portugais plus engagés en Amérique du Sud et l’arrivée des concurrents hollandais et anglais. La capitale du royaume tomba aux mains des Anglais le 18 février 1897. Plus de deux mille objets et œuvres furent rapportées en Europe et vendues pour financer les opérations militaires. <o:p></o:p>

    Cet art béninois si différent de l’art africain tel que le connaissaient et tel que l’avaient compris les artistes européens qui y avaient vu une totale remise en cause des principes visuels jusque-là admis en Europe, cet art montrait la faiblesse des théories nouvelles (cf. « Picasso Maître cube », Présent du 25 oct). Elles auraient pu être corrigées, mais, ne pouvant admettre que l’Afrique elle aussi ait commis le crime figuratif – sans que cela signifie que l’art africain autre que béninois ne le soit pas, mais l’idée reçue est qu’il ne l’est que peu –, les cubistes et acolytes décrétèrent que l’art béninois était un art africain dégénéré sous l’influence de l’Europe. L’exposition du Quai Branly, si complète, fait justice de cette bourde de taille, que seule explique la haine de soi, déjà…<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Bénin, cinq siècles d’art royal, <o:p></o:p>

    jusqu’au 6 janvier 2008, Musée du quai Branly<o:p></o:p>

    illustration : Tête d’une Reine Mère, XVIe siècle © Berlin / Martin Franken

    Autres expos d'art africain:

    expo esprits Dapper / expo animal Dapper / expo femmes afrique


    votre commentaire
  • Au musée Dapper<o:p></o:p>

    Le bestiaire

    d’Afrique noire<o:p></o:p>

    Présent du 17 novembre 07<o:p></o:p>

    Le thème est dans l’air : tandis qu’au Trocadéro on s’interroge sur la nature de l’homme, à la Villette on redéfinit les relations entre hommes et bêtes avec, au programme, abolition des frontières entre espèces, pendant que sur les ondes la chanteuse Zazie, qui ne se trompe jamais de wagon idéologique, répète à satiété : « Je suis un homme au pied du mur / Comme une erreur de la nature / Je suis un homme et je mesure / Toute l’horreur de ma nature… »<o:p></o:p>

    A ces inquiétudes manipulées, le fin mot de l’histoire étant de renier Genèse 1, 26, – ce que MM. Hulot et Bougrain Dubourg appellent « faire descendre l’homme de son piédestal » –, on préfèrera le bestiaire africain, rassemblé par le Musée Dapper avec la rigueur et le souci d’exhaustivité qu’on lui connaît.<o:p></o:p>

    Chaque civilisation possède un bestiaire, caractéristique par les animaux qui le constituent et leurs rôles (religieux, symbolique, décoratif, narratif…). Notre bestiaire médiéval chrétien, par exemple, est un monde extraordinaire, dans lequel on trouve des animaux très exotiques : lions et singes à foisons, crocodiles, éléphants… originaires d’Asie plus que d’Afrique : ce n’est qu’à la fin du XVe siècle qu’un contact direct s’établit entre l’Afrique noire et l’Europe, grâce aux navigateurs Portugais. <o:p></o:p>

    Pour fournir aux grandes tables l’ivoirerie dont elles avaient besoin, les marchands portugais firent réaliser dès cette époque par les artisans des côtes sierra léonaises et béninoises des objets tels que salières, coupes, cuillères (et, pour la chasse, poires à poudre et oliphants). Modèles et motifs européens qu’une main noire interprète, ainsi en va-t-il d’une scène de chasse avec cerf et sanglier, ornée de torsades typiques de l’architecture manuéline, sculptée en mince relief sur un oliphant.<o:p></o:p>

    Cette coopération, pour intéressante qu’elle soit, reste un aspect mineur de l’art africain. Donner une vue d’ensemble du bestiaire propre au continent est impossible, tant sur le plan artistique qu’ethnographique. Qu’ont en commun un crocodile en or, bijou akan (Ghana, Côte d’Ivoire) et un masque d’éléphant bamiléké en tissu perlé (Cameroun) ? Un appui-tête avec antilope (luba, Congo) et une boîte à divination par les souris (baoulé, Côte d’Ivoire) ? Et je laisse de côté les œuvres de l’ancien royaume du Bénin, dont nous parlerons samedi prochain puisqu’elles sont à l’honneur au Quai Branly.<o:p></o:p>

    A ceux qui prétendent zooïfier l’homme, et qui seront par principe plus sensibles à une cosmogonie exogène que biblique, les bâtons rituels kuyu (Congo), composés d’une figure humaine surmontée d’un animal, racontent la séparation entre homme et animal après la création du monde. Très belles sculptures, variées : homme coiffé d’un singe (illustration), femme aux flancs de laquelle s’accrochent des jumeaux et surmontée d’un éléphant… Les motifs de scarifications ajoutent une note décorative. En même temps qu’il différencie l’homme et l’animal, le bâton kuyu exprime la captation magique, par le chasseur, des pouvoirs de l’animal : on note les similitudes entre la face et la gueule, lèvres retroussées sur des dents agressives, oreilles identiques.<o:p></o:p>

    La triade, si africaine, homme / animal / esprits, explique le fréquent recours religieux aux animaux. La figure dite mbotumbo (baoulé) est celle d’un singe incarnant un esprit, utilisée à des fins divinatoires. L’aspect peut être paisible et esthétiquement élevé (les bâtons kuyu), ou l’esthétique indifférente et l’aspect terrible : les nkisi (de l’ethnie songye, Congo), qui servent à lutter contre les maléfices des sorciers, à désigner des coupables, représentent souvent des chiens ; y sont plantés des clous serrés. De contemporains plasticiens y verraient une violence ‘transgressive’ : que non pas, puisque l’utilisation magique de cet objet avait une dimension sociale.<o:p></o:p>

    Dans les cérémonies d’initiation bamana (Mali), les masques de lion, de hyène ou de singe communiquent aux jeunes garçons les vertus propres à chaque animal, ou du moins les invitent à les pratiquer. Rôle plus social que religieux, tout comme les nombreux cas où l’animal est associé à un rang : le cheval témoigne de la classe de son propriétaire. Les statues équestres dogon (Mali) sont remarquables par leur nombre et leurs qualités artistiques.<o:p></o:p>

    Le catalogue de l’exposition réunit de savantes contributions d’ethnologues et de spécialistes en sciences religieuses, ainsi qu’un texte débile de Patrick Chamoiseau. Particulièrement intéressantes sont les photographies de cérémonies afro-brésiliennes prises par Pierre Verger (1902-1996, initié à divers cultes) : crues, violentes, l’initié buvant le sang de l’animal sacrifié ou en étant aspergé, elles montrent a contrario la spécificité et la hauteur du sacrifice chrétien non sanglant.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Animal, jusqu’au 30 mars 2008, <o:p></o:p>

    Musée Dapper : 35 bis, rue Paul Valéry, Paris XVIe, Métro : Victor Hugo, Étoile.<o:p></o:p>

    illustration : Statue Kuyu (détail) © Musée Dapper – photo Hugues Dubois

     

    Autres exposition d'art africain:

    expo esprits Dapper / expo Bénin/ expo femmes afrique<o:p></o:p>


    votre commentaire