• A la galerie Art France<o:p></o:p>

    Maurice Brianchon,

    sa couleur

    et ses brioches<o:p></o:p>

    Présent du 26 janvier 08<o:p></o:p>

    A l’occasion de la sortie du catalogue de l’œuvre peint de Maurice Brianchon (1899-1979), la galerie Art France nous invite à découvrir un de ces peintres qui ont défendu avec modestie et talent l’art figuratif au cours du vingtième siècle. Brianchon appartient au groupe dit « de la Réalité poétique », groupe informel d’une dizaine d’artistes parmi lesquels R. Oudot, R. Legueult, K. Terechkovitch, plus ou moins issus de l’Ecole de Paris.<o:p></o:p>

    L’appellation « Réalité poétique » fut donnée par une critique d’art en 1949 ; elle fut acceptée par le groupe et s’applique rétroactivement à leur production de l’entre-deux-guerres. Elle exprime avec justesse le figuratif non naturaliste d’une peinture essentiellement contemplative, dénuée de la manie moderne des concepts. <o:p></o:p>

    Maurice Brianchon s’est formé à l’Ecole des Arts décoratifs de Paris. Il y eut comme professeur Eugène Morand, le père de l’écrivain. Une part importante de son activité a consisté en décors et costumes pour des ballets, des opéras. Ami proche de Francis Poulenc, il a ainsi travaillé pour ses créations : Les animaux modèles (1942) ; Aubade (1952) ; Intermezzo, pièce de J. Giraudoux, dont la musique est de Poulenc. J.-L. Barrault et M. Renaud ont souvent fait appel à lui également.<o:p></o:p>

    Dans la même veine décorative des arts appliqués, il a dessiné des cartons de tapisseries pour Aubusson et les Gobelins (pendant l’Occupation) ; a illustré, par exemple, le Théâtre complet d’André Gide (après guerre).<o:p></o:p>

    Nommé professeur à l’Ecole Estienne en 1936, puis aux Beaux-Arts de Paris en 1949, son influence, comme maître ou tout simplement comme peintre, est décelable chez divers artistes comme Andry, René Genis ou François Baron-Renouard qui choisit, lui, la voie non-figurative.<o:p></o:p>

    Coloriste à l’extrême chez qui se sent l’apport de Matisse, Maurice Brianchon s’exprime par une combinaison de tons pastels, de tons sourds et de tons acides ; soit de la douceur, du silence et la pincée de sel qui permet à l’ensemble de se maintenir hors du mièvre et du triste. Nous parlions, il y a quinze jours, des gris colorés : il y en a de fort justes dans les toiles de Brianchon. La Nature morte au figuier et au fond noir explore quant à elle les noirs colorés : l’un regorge de vert émeraude, un autre sent le carmin. Van Gogh dénombrait dans je ne sais plus quelle toile de je ne sais plus quel peintre (pardonnez cette désinvolture) plus de trente noirs différents – bienvenue dans le monde magique de la couleur.<o:p></o:p>

    Il s’est écarté de ces tons dans certains paysages : Les bois de l’Euche, Vue de l’atelier de Truffière, où les verts ont délibérément moins de subtilité. Ils tendent au vert dit salade par commodité de langage offensante pour les salades. Plus sympathiques sont les pochades peintes autour de la gare de Passy-La Muette, la nuit, ou sous la neige.<o:p></o:p>

    Autre trait matissien : le rythme, dans une nature morte ou un tableau, donné par le motif ornant un torchon, un rideau : bandes, quadrillages, etc., ou découpe de feuillages comme dans le Nu assis. Pas de portraits à proprement parler, mais des figures : Le modèle, Figures de femmes sur la plage. Femmes à la tête légèrement penchée, perdues dans leurs pensées.<o:p></o:p>

    Certaines natures mortes sont détaillées, complexes (Nature morte au lierre et au miroir), d’autres tendent à une grande simplification (Nature morte aux cerises). Crainte moderne de l’anecdotique, du descriptif ? Maurice Brianchon a aimé les fleurs, il en a peint beaucoup ; ici il faut se contenter d’un bouquet de marguerites, quelques autres auraient été les bienvenues. <o:p></o:p>

    Je pense qu’il a aimé aussi les brioches, car il en a peint au moins par deux fois (illustration). Vous me direz qu’il hérite d’un thème traité par Chardin (1763) et par Manet (1870). Mais je crois qu’il les a vraiment aimées, au moins autant que les femmes et les fleurs, à la manière dont il les a peintes. Elles sont charnelles, ces brioches, dorées où il faut, moelleuse où il convient, rebondies, la tête de travers éventuellement, qu’on a envie d’arracher d’un coup de dents. Elles sont deux, l’une dont une part a été trop sagement découpée au couteau ; ou six dans une assiette, attendant leur heure. On a envie de brioche, face à ces toiles, comme face au tableau de Chardin ; et seule la crainte d’être déçu par une brioche quelque peu sèche retient de filer chez le boulanger le plus proche, ou peut-être est-ce la peinture qui est elle-même nutritive, comme dans la nouvelle de Marcel Aymé La bonne peinture ? Car celle de Maurice Brianchon est en effet de la très bonne peinture.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Brianchon (1899-1979), jusqu’au 16 février, <o:p></o:p>

    Art France, 36, avenue Matignon, Paris VIIIe.<o:p></o:p>

    illustration : Nature morte à la brioche, 1954.<o:p></o:p>


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  • A la Pinacothèque de Paris<o:p></o:p>

    Chaïm Soutine

    (1893-1943)<o:p></o:p>

    Présent du 19 janvier 08<o:p></o:p>

    « Encore aujourd’hui il ne reste de Soutine que l’image du juif émigré sur qui pèse tous les interdits d’une religion trop contraignante et dont le physique se prête à tous les clichés antisémites. [?] Il est temps qu’une exposition rende hommage à ce grand artiste en mettant fin à tous ces clichés d’un autre âge. » Phrase tirée du communiqué de presse, et qui en est un, de cliché. Quand, au bout d’une filandreuse dissertation, il est conclu que la peinture de Soutine n’est ni juive ni judaïque, on s’interroge : faut-il, en matière d’histoire de l’art, en revenir aux délires d’Elie Faure ?<o:p></o:p>

    « La légende de Soutine est une mise en scène volontaire », écrit Marc Restellini, qui, avec la collaboration de J. Munck, S. Krebs et I. Goldberg, est à l’initiative de cette importante rétrospective (quatre-vingts toiles). « Intelligence, perversion, timidité, mal de vivre ou instinct de survie ? Peut-être un peu de chaque. » Peut-être, également, l’ambiance de l’époque ? Il y a dans l’esprit du Montparnasse de ces années-là quelque chose d’indéniablement frelaté qui empêche de se sentir pleinement en confiance. Si l’Ecole de Paris a compté des artistes dont la vie a réellement pâti de leur engagement artistique, tel Modigliani, elle en a compté d’autres, comme son ami Soutine, qui ont en partie pris la pose. <o:p></o:p>

    Non que sa jeunesse pauvre près de Minsk n’ait été difficile, non que ses premières années à Paris, après des études d’art à Vilnius, où il rencontra Kikoïne et Krémègne, deux noms moindres de l’Ecole de Paris, n’aient été des années de misère souvent ; mais dès 1923 – il a trente ans – jusqu’à sa mort en 1943, il vécut dans l’aisance grâce au Dr Barnes, le collectionneur américain, et aux marchands qui assurèrent successivement son bien-être. Il passa très bien la crise de 29 qui le privait pourtant de la clientèle américaine ; ne manqua pas de protections quand, en pleine occupation, il lui fallut revenir à Paris se faire opérer.<o:p></o:p>

    Appartenir à l’Ecole de Paris définit si peu un style que Soutine est parfois classé parmi les expressionnistes. Il l’est à sa manière, c’est-à-dire à part : il n’y a chez lui aucune des ordinaires revendications révolutionnaires qui furent celles des artistes des mouvements Die Brücke, Der blaue Reiter. Nul message dans la peinture de Soutine : il peint ce qu’il a face à lui. Les genres traditionnels (natures mortes, paysages, portraits) lui ont suffi.<o:p></o:p>

    Les paysages, toujours composés de guingois, forment la manière typique, identifiable, de Soutine. Les toiles du Midi cultivent cette manière (Vue de Céret, Mistral). On dirait d’un Van Gogh qui ne serait pas suicidé en 1890 et qui peindrait encore en 1920 tandis que sa folie aurait suivi son cours… Certaines toiles semblent d’ailleurs des reprises directes de Van Gogh : Les grands arbres bleus, ou Les platanes à Céret ; coïncidence des paysages, et un peu plus ; mais chez Soutine l’horizon bascule totalement. La touche est presque toujours empâtée, manière grasse, qui semble par sa lourdeur écraser la composition, contribuer à l’effondrement de lignes déjà sapées. La touche ne contribue à la compréhension de la forme ; elle la brouillerait plutôt. Cependant à la fin de sa vie les compositions s’apaisent. La façade de la cathédrale de Chartres (1933), référence à Corot, est bien assise.<o:p></o:p>

    Les figures de Soutine des débuts sont mâtinées de Modigliani. Puis elles subissent la violence des paysages, rappellent Munch, annoncent Bacon ; enfin, suivant l’évolution constatée dans les paysages, elles s’apaisent. Du portrait de La folle (ill.) à celui de La jeune polonaise, en bleu et rose, on passe de l’effroi à la rêverie. Soutine a aimé peindre des séries de personnages des petits métiers posant dans leurs costumes : La cuisinière au tablier bleu ; des apprentis pâtissiers, des valets de chambre, des garçons d’étage ; L’enfant de chœur assis, ou debout.<o:p></o:p>

    Les natures mortes des années 1915-1920 comptent parmi ses toiles les plus réussies : aux harengs, à la lampe, à la table ronde. Elles ont presque toujours la stabilité qui fait défaut aux paysages. D’un vase s’élancent des glaïeuls rouges comme des serpents. Des allusions témoignent de ses admirations : une raie renvoie à Chardin, une pièce de bœuf à l’étal, à Rembrandt. Nature morte aux harengs, découpée en noirs, gris et ocre, annoncent les animaux qu’il peindra plus tard (faisans, lapins, lièvres) : tous la tête en bas, occupant la verticalité du tableau, qu’ils soient pendus par les pattes ou étendus sur la table mais vus par au-dessus. On songe aux truites de Courbet. C’est, sans grandiloquence, le mystère de la mort présenté sous l’apparence d’un gibier ou d’une volaille.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Soutine,

    jusqu’au 2 mars, Pinacothèque de Paris<o:p></o:p>

    illustration : La Folle, c 1919, Coll. privée © ADAGP, Paris 2007<o:p></o:p>


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  •  Idées & Langages

    par G. Lindenberger

    RELIGIEUX

    Créatif.

    - Les équipes liturgiques du diocèse de Nevers sont pleines d’inventivité. Leur dernière création s’intitule Remise des Actes en la fête du Christ-Roi, sorte de mystère dont la première a eu lieu le dimanche 25 novembre. Cette saynète demande la fabrication d’un tombeau (photo ci-dessous, toute ressemblance avec autre chose serait pure maladresse) et du matériel tel qu’un narrateur, des enfants et des corbeilles (sic). Après différentes péripéties narratives, voici «un groupe d’enfants, debout tête baissée, regroupés en cercle devant l’autel. Ils redressent la tête et les bras lentement vers le ciel [adaptation de la salutation au soeil des yogis?] en tenant dans leurs mains une flamme très colorée sur laquelle est écrit: «Vous serez mes témoins.» à l’offertoire défile «une procession des offrandes avec des paniers contenant les Actes des Apôtres.» On peut, au moment du Notre Père, «faire venir les personnes d’origine étrangère autour de l’autel, pour réciter ensemble, chacun dans sa langue, cette prière, sans oublier la langue des signes.» Certains gestes d’honneur à l’attention des liturgistes sont-ils possibles?

    Vital. -

    Le synode du diocèse d’Angers s’est achevé. La charte rédigée par Mgr Bruguès reprend les huit principes dégagés lors des concertations, avec les décisions afférentes. Entre autres bêtises, les chrétiens sont appelés à relever «les défis propres à notre époque, clairement identifiés: la mondialisation et la protection de l’environnement.» La mondialisation «devrait favoriser l’émergence d’une conscience universelle où l’emporteraient la solidarité internationale et le respect de l’étranger.» En ce qui concerne les jeunes, «deux valeurs éducatives ont été privilégiées: l’éducation affective et sexuelle, et l’apprentissage de la vie en équipe». L’évêque prend sur lui d’y ajouter «la formation à l’intériorité et à la vie spirituelle». On voudrait ne pas rire...

    Symbolique. -

    Une installation au pied de l’autel de Savennières (49): sparterie ethnique, cierges, poteries, cailloux, ces derniers sont-ils des supports de méditation façon bouddhisme tibétain?

    Utile. -

    Une prière «Pour transmettre ta Parole, Seigneur», éditée par les œuvres Pontificales Missionnaires (dont le logo en rappelle un autre) : «Ouvre mes yeux, qu’ils ne voient plus des enfants noirs, jaunes ou blancs, mais des enfants du monde. Ouvre mes oreilles, qu’elles n’entendent plus l’anglais, le chinois ou le français, mais la langue de l’amitié...» Dernier verset: «Ouvre mon intelligence...», une sorte de miracle.


    SOCIAL

    Banal.

    - Le bulletin municipal du 4e arr. (Centre Ville n°50) est consacré à «l’étranger, le voisin, l’autre». Dominique Bertinotti, notre maire, «se félicite d’appartenirà un arrondissement qui est la confluence d’origines, d’inspirations et de choix de vie différents...» La maire PS parle comme un curé.

    Mineur

    . - Pour une fois, le terme jeune n’est pas usurpé: "Arrêté à 8 ans pour cambriolage" (dans 20 minutes du 12 novembre). "Les policiers ont interpelé jeudi deux très jeunes frères, âgés de 8 et 13 ans, soupçonnés d’avoir cambriolé une école primaire de Versailles." Le plus drôle est qu’ils n’ont pas été appréhendés après enquête, mais après avoir caillassé des policiers...

    Métissé. -

    Lu dans Matinplus du 3 décembre l’histoire de Jacques S., dont la fille a été kidnappée par sa grand-mère algérienne. "Bien que l’enfant soit de nationalité exlusivement française, sa grand-mère estime qu’elle "appartient" à l’Algérie, pays musulman." Une brave femme, certainement, victime de préjugés, car la France, après tout... Son gendre en reste tout songeur, lui qui "s’était converti à l’islam en 2001 pour épouser Farah B."


    INTELLECTUEL

    Littéraire. -

    Un titre : Le Bestiaire des Animaux. Et la faune zoologique, dans tout ça?

    Philosophique

    - Dans le gratuit Paru Vendu du 8 nov., un article sur le Feng Shui, sagesse chinoise qui «enseigne une méthode ancestrale afin d’atteindre la plénitude physique, morale et intellectuelle en agissant sur l’aménagement de notre lieu de vie.» Mazette. Un exemple? «Selon les principes du Feng Shui, la cuisine est associée à la nourriture.» Moment de sapience.

    Artistique.

    - Un programme d’Art Thérapie. Le stage Intuition, Inspiration permet de "rétablir par résonance le lien intime entre le corps & l’esprit, la capacité originelle d’être à chaque instant dans l’ici-maintenant d’une conscience unifiée"... Le stage Traces & empreintes a pour objectif de "déposer le Lourd, l’Ancien pour les apaiser, transformer notre réalité en signes qui font Sens, accueillir le Silence, le Vide pour faire le Plein." Un Plein à 900 euros par stage, voilà qui a du Sens.

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  • Hiérarchie d'un sanctuaire roman,

    Saint-Rémy-la-Varenne,

    par Samuel

    De nombreux abonnés se sont inquiétés qu’il soit moins question d’art roman dans notre bulletin, depuis quelque temps. Que la présente étude les rassure et qu’ils sachent qu’il en viendra d’autres.

    L’église de Saint-Rémy-la-Varenne sur les bords de Loire faisait partie à l’origine d’un prieuré dépendant de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers, prieuré qui a été récemment profondément rénové. Elle est de nos jours église communale, appartenant au nombre des « églises accueillantes en Anjou » (heureuse initiative diocésaine) et comme telle fermée en hiver. Je voulais y passer encore une fois au cours de la rédaction de cette étude, début décembre. L’église était fermée. Un lambeau d’information, affiche délavée, remontait à 2004. Dans le premier bar, ma demande des clefs éveilla l’angoisse des consommateurs, qui buvaient leur retraite et nos cotisations sociales. Le patron du second, fort sympathique, à qui je demandais où était la mairie dans l’espoir que les clefs y fussent à disposition, commença à m’expliquer la séparation de l’église et de l’état. La porte de la mairie à laquelle je frappai après vérification des horaires d’ouverture ne s’ouvrit point. N’est-ce pas désolant ?

    I. Architecture

    Les informations sur l’église sont succinctes. La brève notice que lui consacre Anjou roman indique la partie inférieure des murs de la nef date du XIe, le beau chevet du XIIe, partie qui retiendra notre attention : « Le chœur est très profond et se développe sur deux travées. Il est voûté en berceau brisé sur doubleaux. […] Les fenêtres [de l’abside] sont percées au fond d’un riche ébrasement composé, de l’extérieur vers l’intérieur, d’un cintre non mouluré, et de deux archivoltes dont les angles sont amortis en boudin, ces trois éléments étant reçus par autant de colonnettes. » (ill. 1 & 2)

    Trois particularités manquent à cette description. A) Les appuis inférieurs des baies sont à redan (en marches d’escalier). B) La hiérarchie de l’ensemble n’est pas soulignée : les trois baies de l’abside sont rassemblées par une arcature retombant sur des colonnes, vient ensuite, pour chacune, un arc à boudin retombant sur une colonnette et enfin un arc nu retombant sur une colonnette identique. (ill. 3) C) Les quatre colonnes ont été amputées de leur tiers inférieur. Désormais appuyées sur un culot fort laid, elles montaient nécessairement de fond, donnant la note verticale d’un ensemble pour le reste très horizontal – trop à cause de ce remaniement malheureux, qui affecte aussi les colonnes d’entrée de l’abside. (ill. 2 & 3)

    Les origines et l’originalité du sanctuaire de Saint-Rémy-la-Varenne apparaissent lorsqu’on le rapproche d’autres églises des bords de Loire angevins, en amont et en aval. A) Les absidioles du transept de Fontevraud ont trois baies reliées par une arcature et des appuis à redan. B) Les absidioles de Cunault et l’abside de Savennières (ill. 4) présentent des baies reliées par une arcature principale, chacune ayant des colonnettes comme piédroit. Cunault, Savennières et Saint-Rémy-la-Varenne ont une voûte absidale moins élevé que la voûte du chœur, le passage du chœur à l’abisde se faisant par un rétrécissement que signale une colonne. C) L’abside de Brion présente une arcature principale retombant sur des colonnes géminées (parti pris dans cette église de géminer les supports principaux), puis deux arcs retombant sur des colonnettes de même diamètre formant piédroit (ill. 5). [...]

    Lisez l'intégralité de cet article 

    illustré de 22 photographies exclusives

    dans lovendrin 21.


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  • Remarques sur la langue de Courbet

    par Amédée Schwa

    L'importante exposition Courbet au Grand Palais

      (qui se termine le 28 janvier prochain) nous a suggéré de relire sa correspondance, volumineuse puisque l’ensemble des lettres conservées représente plus de six cents pages.1  Elles vont de fin 1837, alors que Gustave, âgé de dix-huit ans, entre au collège de Besançon, à 1877 huit jours avant sa mort en Suisse.

    D’un style très vivant, les lettres de Courbet appellent des remarques d’ordre lexical essentiellement.2

    I. Mots non signalés par l’éditeur.

    a.- « … il a fallu pour ne pas rester sans feu tout l’hiver que chaque élève donne une quarantaine de sous pour faire acheter du bois, amodier des fourneaux et payer le feutier. » (p. 18, à ses parents, oct.-nov. 1837) : « amodier » signifie louer mais s’emploie ordinairement pour une terre ou une mine. Le terme de « feutier » est utilisé pour désigner le sacristain chargé des cierges dans un sanctuaire (encore en usage à Lourdes, par exemple), mais s’employait aussi pour désigner l’homme chargé du chauffage dans un établissement.

    b.-« Elle n’a qu’à dire à mon père d’aller lui chercher du papier à Besançon et un gypseur fera le reste » (p. 64, à ses parents, août 1846) : terme suisse signifiant « plâtrier, tapissier », proche du français « gypsier » : ouvrier plâtrier.

    g.- « Le pauvre malheureux Thomas a succombé sous le brutisme du jury, chose singulière, le tribunal était pour lui, et moins réac que le jury. » (p. 91, à Max Buchon, mai 1850) C’est Vallès qui, en 1848, a lancé l’abréviation « réac ». Quant à brutisme, c’est un mot créé par Saint-Simon (1825), signifiant : « conception mécanique des phénomènes utilisés notamment par Espinas pour illustrer sa thèse cartésienne des animaux-machines ». S’applique ici à la ‘bêtise automatique’ des jurés ?

    d.- « … je me prosterne à tes genoux, ma vieille gonze, mais réponds-moi aussitôt que tu le pourras car il faut que j’écrive à Francfort. » (p. 124, à Louis Français, février 1855) On a gardé le féminin gonzesse, fait sur le mot gonze servant au masculin et au féminin (de l’italien gonzo, individu stupide).

    e.- « … je ne sais s’il a peur des communalistes ? » (p. 407, à J. Castagnary, mars 1872). Doublet de « communard ». Le mot s’emploie aujourd’hui pour désigner l’idéologie ayant abouti à la Commune.

    II. Mots signalés par [?], [sic] ou en italiques.

    a.- « J’en reviens maintenant à ce platisson de Jean-Pierre Coulet. » (p. 61, à ses parents, avril 1846) : terme dépréciatif, ce Coulet étant un menteur et un emprunteur. Origine inconnue.

    b.- « C’est au contraire un triomphe qui s’accommode fort peu avec les racontottes que tu me fais. » (p. 145, à son père, juin-juillet 1858). En franc-comtois « racontote»  a le sens de petite histoire, avec la nuance, dans la phrase de Courbet, de « racontars ».

    d.- « … il serait bon d’acheter à Pommey cette longaine de terrain » (p. 153, à ses parents, septembre 1859) Pour « longueur » ?

    e.- Faisant l’inventaire de son atelier d’Ornans, Courbet mentionne toiles et meubles : « … une baignoire, une rondotte, une garniture de chambre de moire antique pompadour… » (p. 401, à sa famille, janvier 1872). Une rondotte (mot jurassien) désigne une grande bassine. En ancien français, « rondote : petit cuveau ».

    h.- « Je n’ai pas perdu mon temps, j’ai déjà gagné la cude que je fais à Maisières. » (p. 411, à ses sœurs, juillet 1872). Une « cude » est une bêtise3 . La phrase de Courbet peut se comprendre ainsi : j’ai déjà rattrapé la bêtise que j’ [ai] fait à Maisières (avoir porté des seaux d’eau pour éteindre un incendie, ce qui lui occasionna des problèmes de foie et l’empêcha de peindre).

    q.- « J’ai pour le moment plus de 50 tableaux de commandés et de toutes parts on se tire ma peinture à la potenaille. » (p. 436, à J. Castagnary, mars 1873) L’expression se comprend d’elle-même ; le terme « potenaille » désigne une carotte (« patenaille » est un terme de la Suisse romande et de la Savoie ; ancien français pastenaille, panais).

    i.- « Je me suis escoffé contre une porte à demi ouverte, la tête a frapp酠» (p. 535, à sa famille, août 1877) à rapprocher de « escoffier » : tuer.

    Hors lexique, se rencontre par trois fois (pp. 18, 20 &22) un étonnant passé composé du verbe être avec l’auxiliaire être : « Les élèves sont bien plus malins qu’à Ornans. Ils sont tous agaceurs, taquins, et ne cherchent qu’à jouer de mauvaises farces. Pour moi j’en suis été exempt… » ; « Je suis été touché de la lettre que vous m’avez écrite. » ; « Je suis été très content de ce que ma filleule m’a écrit une si belle lettre. »

    Cette construction surprenante m’a dérouté jusqu’à ce que je la trouve chez… Agrippa d’Aubigné. Dans Les Aventures du Baron de Faeneste (écrites vers 1615), œuvre médiocre dont l’intérêt réside surtout dans sa langue étrange (à base de patois gascon), on trouve (je modernise la graphie) :

    « Oh que voilà de beaux fruits : sont-ils du jardin où nous sommes été promenés ? »

    « Si Père Gontier fût été cru, la Cour fût été excommuniée. » (p. 83)

    La Grammaire de la langue française du XVIe siècle5 (p. 120) enregistre ce fait chez Nicolas de Troyes, Noël du Faye, Maurice Scève. Pour ce dernier il s’agirait d’un italianisme, pour les autres d’une tournure populaire. Elle survivait dans le Jura au XIXe, la preuve Courbet ; les trois occurrences datent de ses toutes premières lettres, lorsqu’il passe de la campagne (Ornans) à la ville (Besançon). Il s’en corrige ensuite totalement.

    Terminons par une expression imagée. Ayant eu la visite d’un intermédiaire chargé de réconciliation politique, Courbet, pour «envoyer paître», écrit : « J’ai envoyé l’ambassadeur sur le cul du four. » (p. 404, à sa sœur, mars 1872).


    1

    Correspondance de Courbet, Texte établi et présenté par Petra Ten-Doesschate Chu, Flammarion, 1996 (The University of Chicago, 1992).

    2

    Nos outils ont été les suivants : le Dictionnaire des mots rares et précieux, le Dictionnaire franc-comtois mis en ligne par l’association Cancoillotte.net, le Lexique de l’ancien français par Fr. Godefroy, le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, le site d’onomastique savoyarde et romande de Henry Sluter.

    3

    Existent aussi cudet (curieux un peu niais) et cudot (qui fait des bêtises par gloriole)

    4

    P. 58 de l’édition de Gaston de Raimes, Flammarion, 1895.

    5

    Par Georges Gougenheim, Picard, 1974, rééd. 1994.

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