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Au musée de Cluny<o:p></o:p>
L’or de la Peste noire<o:p></o:p>
Présent du 28 juillet 2007<o:p></o:p>
Deux trésors analogues et contemporains ont été déterrés lors de travaux, l’un à Colmar en 1863, l’autre à Erfurt en 1998, dans l’ancien quartier juif de ces villes. Aisément datables grâce aux monnaies, ils remontent au milieu du XIVe siècle. Ils nous montrent qu’au Moyen Age, comme à Amsterdam au Siècle d’or, il n’était pas déplaisant d’être juifs, d’appartenir à une communauté protégée par le pouvoir qui l’aidait à prospérer dans le commerce et la finance. Leur enfouissement à une époque où la Grande Peste, ou Peste noire, sévissait, permet de penser qu’ils ont été mis à l’abri par de riches Juifs qui sentaient monter un sentiment d’insécurité.<o:p></o:p>
Car, lorsque la peste sévissait, les Juifs étaient incriminés, accusation irrationnelle, obscurantiste, mais pas plus irrationnelle ni plus obscurantiste que l’accusation des lobbies homosexuels selon lesquels les papes favoriseraient la propagation du VIH. Il revient à un pape, d’ailleurs, Clément VI, courageusement demeuré en une Avignon empestée, d’avoir pris les Juifs sous sa protection par deux bulles en 1348.<o:p></o:p>
La violence de la Grande Peste n’excuse-t-elle pas la panique des populations ? Arrivée par bateau à Messine en septembre 1347, la maladie remonta jusqu’en Scandinavie (1350) et se perdit en Russie en 1351, laissant sur son passage vingt-cinq millions de morts, soit un tiers des Européens. <o:p></o:p>
Boccace (1313–1375) a tracé au début du Décaméron un tableau de la peste à Florence en 1348. « Que la peste fût l’œuvre des influences astrales ou le résultat de nos iniquités, et que Dieu, dans sa juste colère, l’eût précipitée sur les hommes en punition de nos crimes, toujours est-il qu’elle s’était déclarée… » Sa description du mal et de sa transmission, des effets de l’épidémie sur la conduite des uns et des autres, ses efforts pour comprendre, annoncent l’essai de Daniel Defoe sur la peste de Londres de 1665 qui supprima vingt pour cent de la population (Journal de l’année de la peste, 1722). On comprend que l’imaginaire européen ait été fortement marqué par cette maladie restée incontrôlable jusqu’à la fin du XIXe siècle.<o:p></o:p>
Quoi qu’il en soit, l’enfouissement des trésors a préservé leurs merveilles, alors que le sort ordinaire des bijoux et de l’argenterie est d’être fondus quand la mode change ou que le besoin de les monnayer se fait sentir. <o:p></o:p>
Trois superbes bagues de mariage sont typiquement juives : elles se reconnaissent à l’édifice qui les orne, lequel représente à la fois le Temple et le toit qui va abriter les époux (illustration). Les nombreuses monnaies du trésor d’Erfurt indiquent que les activités de ce marchand étaient internationales, tandis que celles de Colmar dénotent une activité régionale. Les noms sont variés : l’époque n’était pas à la monotonie monétaire, où l’on pouvait payer en gros tournois, en florins, etc. On trouve également de volumineux lingots d’argent, mais pas sous la forme régulière moderne, ce sont des masses informes authentifiées par un poinçon en leur centre. <o:p></o:p>
Les sept dames du Décaméron, qui avaient entre 18 et 28 ans, étaient d’après l’auteur toutes « douées de raison, de noblesse et de beauté, et portaient en parure la grâce et l’harmonie » ; je ne crois pas leur faire injure en les imaginant ornées aussi de ces bagues, de ces fermaux (sorte de broche pour fermer un manteau, une robe) dédiés à l’amour. Cœur, arc et flèche, serrure (signe de fidélité), scène courtoise : tout est bon pour illustrer ces mots souvent gravés : AMOR, LIB (= Liebe). <o:p></o:p>
Leur siéraient bien aussi les agrafes décorées de fleurs de lys, de dragons, de rosettes, motif d’applique courant qu’on retrouvait aligné sur les ceintures ou parsemé sur des coiffes, des étoles. Voici des rosettes sur la ceinture d’une Vierge à l’Enfant sculptée (Lorraine, pierre, milieu XIVe), voilà un volumineux fermail qui maintient le manteau d’une Vierge assise à l’Enfant (Ile-de-France, pierre polychrome, vers 1300). Sur une enluminure de 1320, un galant offre un riche fermail orné de rosettes à une jeune fille qu’il veut séduire à l’insu de son père : c’est un cas de droit extrait des Décrets de Gratien. Ces rapprochements sont instructifs. Les bijoux sont mis en situation, le lien entre la réalité et les œuvres apparaît.<o:p></o:p>
La vaisselle est aussi marquée par le raffinement : aiguières, hanaps, ou doubles coupes (le couvercle de la coupe principale, une fois ôté, sert de coupe jumelle), ornées en leur fond d’émaux cloisonnés représentant des fables d’Esope. Une série complète de huit gobelets emboîtables en argent partiellement doré, gravés d’un décor d’architecture (colonnes supportant des arcs brisés), clôt cet ensemble brillant. Ne manquent que les bons vins et les pâtisseries dont déjeunaient les jeunes gens de Boccace, réfugiés à la campagne où la peste se montrait moins cruelle.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Trésors de la Peste noire : Erfurt et Colmar,
jusqu’au 3 septembre 2007, Musée de Cluny
illustration : Trésor d’Erfurt, Bague de mariage juive, or © TLDA<o:p></o:p>
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Au Muséum d’Histoire naturelle
Le peuple vrombissant
Présent du 21 juillet 2007
Animal de compagnie douteuse, déclaré de vassalité démoniaque, la mouche est victime d’une répugnance assez naturelle. Mais Aristote lui-même n’a-t-il pas écrit que « tout être vivant a quelque chose d’admirable » ? Saint Augustin, en une page drolatique de son commentaire sur l’évangile de saint Jean, met en scène un Manichéen qui, n’admettant pas que l’indigne mouche ait pu être créée par Dieu, finit par penser que l’Homme, tout aussi indigne à sa manière, ne peut être qu’une créature du diable. A nous d’accepter la Création jusque dans ses cirons, lesquels, vus au microscope, se révèlent d’ailleurs une faune prodigieuse – l’imagination du Bon Dieu.
Ces considérations, on s’en doute, ne sont pas celles du Muséum National d’Histoire naturelle : l’exposition a lieu dans la Grande Galerie de l’Evolution. Je tenais à exprimer mon créationnisme primaire avant qu’il ne devienne un délit puisque certaines officines font sournoisement progresser l’idée qu’il est un danger pour la jeunesse et qu’il faudra songer à l’interdire. La mouche est, dans une perspective évolutionniste, notre cousine. Calliphora est un beau prénom pour une cousine, ou bien Rutilia Splendida ; et ça sonne mieux que les appellations courantes de Mouche bleue (photo) et Mouche verte. D’autres ont des noms tout aussi charmants comme Lucilia Caesar, Sarcophaga carnaria, ou Glossina palpalis…
Le muséum du Jardin des Plantes est riche d’une collection de diptères qui compte parmi les plus respectables du monde. Elle fut commencée dans les années vingt par Eugène Séguy, à qui on doit un Atlas des diptères de France, Belgique et Suisse (1951). La distinction entre insectes diptères (mouches et moustiques, pour l’essentiel) et insectes hyménoptères (abeilles et guêpes) est récente. Longtemps l’abeille s’est appelée mouche à miel, dénomination qui subsiste par exemple dans le créole mauricien (« mouss di miel »). Certaines mouches entretiennent la confusion : elles ont un abdomen à rayures jaunes et noires qui leur permet de se faire passer pour des abeilles et leur évite des tas d’ennuis dans une vie déjà courte.
La mouche et le moustique sont responsables de deux millions de morts par an. Ils transmettent quantité de maladies bizarres et peu ragoûtantes comme l’éléphantiasis, l’onchocercose, l’ophtalmie purulente, la conjonctivite granuleuse ou la maladie du sommeil. Cette dernière était presque éradiquée en 1960, mais les Indépendances lui ont été profitables et elle ressurgit de manière épisodique, avec un rendement de 50 000 morts par an.
En comparaison, les bienfaits de la mouche paraissent assez ridicules. L’asticothérapie, qui consiste à laisser les asticots manger les chairs nécrosées d’une plaie – Ambroise Paré en avait déjà observé les résultats positifs –, avait disparu avec le développement des antibiotiques ; la résistance à ceux-ci fait que cette thérapie étrange intéresse de nouveau les spécialistes. La vraie spécialité de la mouche est la médecine légale. Elle est un instrument infaillible : l’étude des larves qu’on trouve sur un cadavre et l’étude du stade de leur développement permet de fixer précisément l’heure de la mort. Ce n’est pas précisément un sot métier, mais la mouche n’en sort pas socialement grandie.
Le moyen international de se débarrasser de l’agaçant diptère est le chasse-mouches, avec des variantes locales en ce qui concerne le matériau utilisé : bambou, algues, crins de cheval ou queue d’éléphant, ou plastique pour la moderne tapette. Il existe d’autres façons. Maldoror énonce gravement que « pour tuer les mouches, voici la manière la plus expéditive, quoique ça ne soit pas la meilleure : on les écrase entre les deux premiers doigts de la main. » J’ai sous les yeux un vieux Larousse médical qui recommande le lait ou la bière formolés à 15% ; il faut se sentir d’humeur expérimentale.
Se pratique également la chasse au torchon ou à l’élastique (un gros, en caoutchouc ; technique assez salissante). Mais le meilleur moyen de ne pas être importuné par les mouches – et on s’étonne que l’exposition ne le mentionne pas, peut-être par soumission au Collectif des Femmes d’Intérieur – reste la libre installation d’araignées, un moyen écologique, bio, comme qui dirait : durable.
Soyons prudents, car tuer une mouche sera peut-être un jour, comme le créationnisme, un délit : le délit de spécisme, discrimination entre les espèces. L’anti-spécisme est une idéologie marginale propre à quelques illuminés, mais qui pourrait bien un jour reléguer l’anti-racisme au rang d’un combat fasciste (à cause de sa non prise en compte de l’égalité des espèces). En attendant, vous pouvez voir ou revoir La Mouche, de David Cronenberg : un scientifique génétiquement modifié par accident se métamorphose peu à peu en mouche. Les effets spéciaux ont vieilli mais l’abolition de la frontière entre humain et animal fait toujours son effet.
Samuel
L’expo qui fait mouches, jusqu’au 3 septembre 2007,
Muséum National d’Histoire naturelle,
illustration : Mouche bleue (Calliphora vicina) © Ph. Blanchot
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Au musée d’Orsay<o:p></o:p>
Monsieur Vollard,
marchand<o:p></o:p>
Présent du 14 juillet 07<o:p></o:p>
Le musée d’Orsay a rassemblé des toiles qui toutes sont passées un jour par la galerie d’Ambroise Vollard (1866 –1939). Certaines, à nous connues, appartiennent au musée, d’autres proviennent de collections américaines et européennes : il est toujours bon de voir une toile face à face et non en reproduction.<o:p></o:p>
Ça commence par des Cézanne, et des meilleurs, paysages, natures mortes et figures comme le célèbre petit autoportrait ou les Joueurs de cartes. L’exposition que Vollard organisa en 1895 (Cézanne avait déjà 56 ans) fit connaître le peintre à un cercle élargi d’amateurs et prépara sa révélation au public. Le public… devant La corbeille de pommes, deux jeunesses discutaient de l’épisode de Grey’s anatomy qu’elles avaient regardé la veille.<o:p></o:p>
Les Van Gogh qu’il acheta le furent principalement à la femme de Théo Van Gogh. Signalons comme tableaux venus de l’étranger L’Arlésienne, Tournesols, Les lauriers-roses (1888), magnifique bouquet qui allie vigueur de la touche et finesse des coloris. Deux volumes sont posés près du vase, dont un Zola, de même que sur une autre toile figurent un Goncourt et un Maupassant : la littérature naturaliste était très appréciée de Van Gogh, qui pensait faire la peinture correspondante. En réalité tout ce qu’il peignait prenait de la hauteur. On comparera un portrait du père Tanguy à celui du musée Rodin (Présent du 30 juin) : portrait encore descriptif, mais où perce déjà la volonté d’exprimer l’intériorité et non la matière.<o:p></o:p>
Continuons : des pastels de Degas, des peintures de Renoir, de Gauguin (la presque fresque Pastorale tahitienne, de Londres) ; et des Nabis, quelques Vuillard, des fusains d’Odilon Redon (illustration). Vollard finança les voyages de Derain à Londres, où il peignit trois vues fauvistes de haute tenue. On finit par des Picasso, dont le plus valable n’est pas, à mon goût, celui qui a été choisi pour l’affiche de l’expo, mais La coiffure (1906), d’une savante composition, et des teintes terre et bleu gris.<o:p></o:p>
Ambroise Vollard a aussi œuvré dans l’édition bibliophilique. Il a lancé la mode de tirages luxueux sur beau papier de textes classiques ou non, spécialement illustrés par des artistes : Le Jardin des supplices de Mirbeau illustré par Rodin (1902) ; Passion, de Suarès, par Rouault (1929) ; Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac par Picasso (1931), etc. Livres d’art qui, au final, sont illisibles : la composition en caractères de très gros corps est désagréable à l’œil. Un volume qui se tient bien en main, à la typographie serrée, permet une lecture concentrée : c’est ce qui fait le charme de nombreux vieux Livre de Poche.<o:p></o:p>
Nul doute que les goûts de Monsieur Vollard étaient sûrs ; manque juste à l’exposition un regard critique sur la part commerciale de son activité. Le cartel du tableau Les peupliers indique avec quiétude que Vollard l’acheta à l’artiste pour 200 fr. et le vendit un an plus tard pour 2000 fr, l’artiste étant toujours vivant. Le marchand d’art est un personnage assez récent dans l’histoire. Il apparaît quand les peintres désorganisés par la disparition des corporations se trouvent fragilisés et doivent se mettre en quête d’un intermédiaire entre eux et les acheteurs. Qu’Ambroise Vollard soit « le marchand qui eut l’influence la plus décisive sur le développement de l’art moderne » se vérifie aux sommes colossales en jeu aujourd’hui, évoquées par Jeanne Smits le 23 juin dernier (L’Art Contemporain, vu d’un peu plus près). Les artistes profitent de l’envolée des prix, il n’en était rien autrefois.<o:p></o:p>
Gauguin, aux Marquises, eut fort à souffrir des manières de Vollard avec qui il était en affaires. Le marchand non seulement envoya irrégulièrement et partiellement les sommes dues, mais encore dissimula l’existence des toiles en sa possession aux personnes qui souhaitaient en acquérir : cela s’appelle de l’accaparement. M. Malingue, l’éditeur des Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis (Grasset), n’hésite pas à désigner Vollard comme « un des principaux responsables de la misère de Gauguin. » Le marchand trouve des défenseurs dont le seul argument est que Gauguin avait un caractère difficile : étrange justification de la spéculation. <o:p></o:p>
Après avoir envoyé à Gauguin le minimum vital pendant quelque temps en échange de l’expédition de ses toiles, Vollard finit par cesser son soutien, tout en faisant le mort postal, laissant l’artiste dans le désarroi : la dernière lettre de Gauguin (à son ami Monfreid) relate cette situation cruelle, alors qu’il attend plus de 1500 fr dus par Vollard qui le laisse sans aucune nouvelle. Le jeu trouble des marchands d’art, l’histoire n’en est pas encore écrite, et le musée d’Orsay ne s’est pas risqué à aborder la question.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
De Cézanne à Picasso : chefs-d’œuvre de la galerie Vollard,<o:p></o:p>
jusqu’au 16 septembre 2007, Musée d’Orsay,<o:p></o:p>
illustration : O. Redon, Profil de Lumière, Musée d'Orsay © Photo RMN - Gérard Blot<o:p></o:p>
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Au musée Rodin<o:p></o:p>
Un Japon décanté<o:p></o:p>
Présent du 7 juillet 07<o:p></o:p>
En 1911, le groupe d’écrivains et esthètes japonais qui publiait la revue Shirakaba envoya en hommage à un Rodin septuagénaire et renommé trente estampes. Le sculpteur, pour remercier, offrit trois bronzes, dont il reçut, en guise de délicat accusé de réception, des photographies réfléchies (épreuves gélatino-argentiques) : les œuvres avaient été attentivement méditées. Les trente estampes enrichirent la déjà très honorable collection du Maître. A côté des planches de Hiroshige, il possédait des Kunisada, aux à-plats vigoureux, des Harunobu tout en finesse ; des dessins préparatoires, moins habituels. Il possédait également des brûle-parfums et autres bibelots plus ou moins encombrants.<o:p></o:p>
En matière de japonisme, Rodin n’était pourtant pas un précurseur : il s’y intéressa à partir des années 1880, soit trente ans après que l’art et l’artisanat nippons aient attiré l’attention des Français. Les premiers japonisants avaient été Edmond de Goncourt, Félix Bracquemond, Emile Guimet, Octave Mirbeau…<o:p></o:p>
L’influence du japonisme sur les artistes de l’époque fut variable mais il est certain qu’il épura le regard de beaucoup. Vincent Van Gogh avait vigoureusement éclairci sa palette après sa découverte des Japonais, et tempéré de poésie son réalisme nordique originel. S’il s’installa en Provence, c’est qu’il y trouva « son Japon », à savoir une terre baignée d’une clarté presque pure. Rodin acquit, sur les conseils d’Octave Mirbeau, dont l’influence en ce domaine fut sur lui décisive, le Portrait du Père Tanguy que Van Gogh avait représenté sur un fond décoré d’estampes, interprétées à l’huile et à la brosse. <o:p></o:p>
A aucun moment, Rodin ne fit dans le japonais, à part quand il expérimenta certaines techniques, comme celle des cuissons des grès et des glaçages : il collabora avec des spécialistes de ces pratiques comme Paul Jeanneney et Edmond Lachenal pour des essais de tirages : on voit trois exemplaires de la tête du Balzac monumental en grès émaillé, l’une en brun et vert jaune, l’autre avec des éclaboussures en bleu verdâtre et la dernière en gris vert jaune. Le résultat n’est pas extraordinaire : car la manière de traiter un sujet et la technique mise en œuvre sont indissociables, or cette tête de Balzac n’avait pas été conçue pour cette technique.<o:p></o:p>
L’art japonais a nourri et enrichi la réflexion artistique de Rodin. Pour lui ce grand art du trait rejoint l’art grec. Pas d’œcuménisme métissant ni de relativisme intellectuel dans cette manière de voir, mais la perception que sous des aspects différents règne une beauté unique, qui est celle de la Création. Constatant dans les dessins japonais « l’harmonie et la simplification de lignes des artistes anciens », il ajoute : « C’est que la nature est éternellement la même, et l’artiste n’est-il pas celui qui, s’étant mis à son école, a su mieux que les autres la voir et la comprendre. »<o:p></o:p>
Concrètement, son œuvre est marquée par une Japonaise, la geisha Hanako. Cette femme se fit connaître en Occident dans les années 1900 en compagnie d’une troupe de danseuses et d’acrobates, que Loïe Fuller prit sous sa coupe. Elle joua des pièces adaptées du kabuki, à la fin desquelles elle mimait un hara-kiri, scène d’une violence inhabituelle pour les spectateurs de nos longitudes. Rodin la prit pour modèle entre 1907 et 1914. A part un buste qui est un portrait « classique » d’un intérêt limité, et outre des dessins de nus, il reste de cette rencontre féconde de nombreuses études et des masques qui montrent que les recherches du sculpteur furent acharnées : voulant rendre la sérénité ou la douleur, mais une douleur sans grimace, sans facilité, une douleur intériorisée ne se percevant en surface qu’avec subtilité, il s’épuisa en variantes et en essai. En terre cuite, en plâtre, en bronze ; grandeur nature, en plus petit ou plus grand que nature, aucun de ces masques que Rodin a fait de Hanako ne semble avoir abouti mais tous ont une grande force. Ils inspirèrent le photographe américain Edward Steichen, dont les épreuves montrent qu’il sut mettre en valeur ce qu’ils ont de fort malgré leur rang d’études.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Nota Bene. – Le musée Rodin ne se limite pas au septième arrondissement de Paris : la villa des Brillants à Meudon, où Rodin résida, se visite d’avril à fin septembre. Après un passage dans le pavillon du sculpteur, où il avait un petit atelier, on s’attarde dans la grande halle : toutes sortes de plâtres, des études pour le monument Victor Hugo, pour le monument Balzac, La Porte de l’Enfer, etc. Le parc est agréable, sur les hauteurs. Rodin et sa femme Rose y sont enterrés, sous un bronze du Penseur. Mais qu’une tombe, même ornée de la plus belle œuvre qui soit, est triste sans croix !<o:p></o:p>
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Rodin, le rêve japonais, jusqu’au 9 septembre 2007, <o:p></o:p>
Musée Rodin, 79 rue de Varennes, Paris VIIe<o:p></o:p>
Et l’autre Musée Rodin, 19 av. Auguste-Rodin, Meudon (92), ouvert jusqu’à fin septembre, ven., sam. et dim. 13h-18h.<o:p></o:p>
illustration : Masque de Hanako © Musée Rodin
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