• A la Monnaie de Paris<o:p></o:p>

    L’or

    de la Colchide<o:p></o:p>

    Présent du 6 octobre 07<o:p></o:p>

    L’expédition de Jason et des Argonautes en Colchide pour en rapporter la Toison d’Or est connue de chacun dans ses grandes lignes, mais les mythes grecs sont plus compliqués que la version scolaire qui laisse de côté épisodes obscurs et variantes. A l’époque d’Hérodote, le récit de l’aller était presque fixé, mais pas encore celui du retour.<o:p></o:p>

    Selon Robert Graves, la complexité du récit de la Toison d’Or s’explique par la fonte, en un seul récit, de deux histoires de voyage : celle d’une quête de l’ambre du côté de l’Adriatique et celle d’une quête de l’or en Colchide, voyages à situer avant la Guerre de Troie, vers le XIIIe siècle avant J. C. D’autres éléments s’y sont greffés, comme les épreuves imposées au héros qui prétend à la main d’une fille de roi, comme le cycle de Médée, que ses philtres et son chaudron de rajeunissement rapprochent des mythes celtes.<o:p></o:p>

    Ce mythe peut se lire comme un récit zodiacal – mais est-ce la trame d’origine, ou le résultat d’une reconstruction ? Les psychanalystes, jamais en reste, y voient des symboles, archétypaux bien sûr, « un périple fantasmatique » à la recherche « du lieu interdit et primordial de l’engendrement »… Cela au mépris d’auteurs grecs (Strabon, Appien) qui avaient noté les éléments vérifiables du mythe, à savoir que, en Colchide, les indigènes ramassaient l’or du fleuve Phase en y tendant des peaux de bêtes. Cet usage s’est pratiqué jusqu’au XXe siècle.<o:p></o:p>

    Les fouilles réalisées depuis cent ans en Géorgie (ex-Colchide, ex-Ibérie, entre Caucase et Arménie), au bord de la mer Noire, ont mis au jour de merveilleux bijoux en or, particulièrement dans la cité sanctuaire de Vani où, entre le VIIIe et le Ier siècle, furent ensevelis des guerriers, des aristocrates et des prêtres. Certaines pièces ont été exhumées tout récemment : la tombe 24, où fut enseveli un noble avec ses serviteurs et plus de mille objets d’or, a été fouillée en 2004.<o:p></o:p>

    Les bijoux se déclinent en diadèmes, bracelets, boucles d’oreilles, broches, pendentifs, boutons, affiquets et parures diverses. Ils se caractérisent par un riche décor animal et ornemental.<o:p></o:p>

    Les motifs ornementaux sont variés : rosettes à neuf pétales, spirales, volutes (illustration), svastikas dextro- ou lévogyres, etc. Au rayon animalerie, nous avons un aigle éployé sur une bague, une série de cent à cent vingt oiseaux à coudre sur un vêtement (on distingue trois trous percés à cet effet), un collier avec trente et une tortues, un sommet de coiffe compliqué : le motif principal, répété des deux côtés, est un cerf entouré de trois biches, le tout surmonté de lions et de rangs d’oiseaux. Le métal est ajouré, et de minuscules billes d’or donnent du relief à l’ensemble.<o:p></o:p>

    Deux diadèmes tirés de la tombe d’une noble dame mériteraient à eux seuls une longue étude. Leur décor est superbe : lion contre taureau, lionne contre sanglier… Ils sortent du même atelier. Sur une belle torsade sont fixés deux losanges coupés chacun en deux registres dans le sens de la grande diagonale, les motifs des registres d’un même losange étant symétriques. Trois losanges utilisent la symétrie axiale, en miroir – une symétrie naturelle –, alors qu’un quatrième est basé sur une symétrie centrale, plus complexe. <o:p></o:p>

    D’autres motifs sont obscurs : un cavalier sur un char que les archéologues analysent comme une référence au culte de la Grande Mère des dieux, ou cette étonnante composition d’un cavalier casqué à cheval suivi d’un oiseau lui-même suivi d’un oison, ornement en quatorze exemplaires.<o:p></o:p>

    Une autre caractéristique de bijoux de la Colchide : la répartition équilibrée, pour un même bijou, du décor et du métal nu. Le plaisir de l’œil et son repos ont été pensés, ce qui n’est pas un mince mérite. C’est une marque de raffinement certain que de laisser brut une partie du métal : la partie ornée n’en ressort que mieux. Ce sens du décor apparaît en particulier dans les bracelets ouverts : chaque extrémité est décorée d’une tête animale tandis que le corps du bijou reste nu – affrontement et symétrie, l’universel moyen décoratif.<o:p></o:p>

    Les échanges avec les cultures scythe, perse et grecque, sont devinables ou explicites (par exemple la tombe du guerrier Dédatos, de la fin du IVe siècle av. J. C., contenait une armure de style grec et une monnaie grecque), mais ces bijoux montrent l’originalité et la qualité d’un art typiquement colchidien en matière de métallurgie et d’orfèvrerie (par repoussage ou à cire perdue), ainsi que dans le domaine de l’ornement, qu’il soit basé sur l’observation de la nature ou sur la réflexion géométrique.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    L’or de la Toison d’or – Trésors de Géorgie, jusqu’au 7 novembre, <o:p></o:p>

    La Monnaie de Paris, 11 quai de Conti, Paris VIe<o:p></o:p>

    illustration : Bijoux angulaire avec 68 pendentifs à volutes <o:p></o:p>

    © Musée Nat. de Géorgie Tbilisi<o:p></o:p>


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  • Patrimoine<o:p></o:p>

    Réouverture du Musée des Monuments français<o:p></o:p>

    Présent du 29 septembre 07<o:p></o:p>

    Rebaptisé Galerie des Moulages, le Musée des Monuments français fermé en 1997 est de nouveau accessible au public depuis le 15 septembre, week-end du patrimoine, et c’est bien de patrimoine qu’il s’agit.<o:p></o:p>

    La Cité de l’Architecture et du Patrimoine regroupe désormais au Trocadéro l’Institut français d’architecture, l’école de Chaillot (formation de restaurateurs, d’architectes) et ce musée du patrimoine architectural et statuaire du XIIe siècle à nos jours, dont la Galerie des Moulages, consacrée aux XIIe – XVIe, est la fleur des pois.<o:p></o:p>

    Le premier musée des monuments français remonte à la Révolution. Alexandre Lenoir (1761-1839), choqué par l’iconoclasme révolutionnaire et la disparition d’œuvres d’art qu’allait provoquer la vente des biens d’Eglise aux particuliers, obtint d’être mandaté par la Constituante en 1791 pour sauver tout ce qu’il pourrait de la destruction et de la dispersion. Il ouvrit, dans l’actuelle Ecole des Beaux Arts, le Musée des Monuments français en 1795 mais dut sous la Restauration restituer l’essentiel des œuvres aux propriétaires. Non sans déchirement, suppose-t-on, il s’en était si pieusement occupé. Le peu qui ne fut pas récupéré fut distribué entre le musée de Versailles et le Louvre.<o:p></o:p>

    Alors que l’art médiéval était depuis longtemps déconsidéré, les Révolutionnaires l’avaient pris au sérieux, comme auparavant les Réformés, déjà casseurs. Une seule tête demeure au portail de Charlieu, et souvenons-nous des trois tympans de Notre-Dame de Dijon totalement bûchés pas un apothicaire farouche en 1793. C’était reconnaître à cet art sa signification religieuse et sa beauté sacrée, insupportable pour des esprits bas. Le clergé du XVIIIe ne lui avait témoigné que du mépris : le tympan d’Autun, jugé barbare, fut noyé dans le plâtre en 1766, et ne revit la lumière qu’en 1837 ; en l’occurrence cela le préserva, mais la tête du Christ manquait quand on déplâtra. Nous parlions il y a deux semaines d’une divinité khmère privée de sa tête pendant soixante-dix ans ; le Christ d’Autun ne retrouva la sienne qu’en 1948. <o:p></o:p>

    Le geste d’Alexandre Lenoir marque le début de l’intérêt pour le moyen âge. Il fallut cette déplorable occasion des destructions révolutionnaires pour qu’un homme prît conscience de l’existence de ce patrimoine artistique et religieux. Au fil du XIXe siècle, l’intérêt allait devenir une science grâce à Prosper Mérimée, Alexandre du Sommerard, etc., et principalement Viollet-Le Duc (1814-1879).<o:p></o:p>

    C’est à lui, Viollet-Le Duc, qu’on doit le second musée des monuments français. Développant l’idée d’Alexandre Lenoir, il conçut le projet d’un musée de sculpture comparée. Ce qui restait du premier musée fut rassemblé au Palais du Trocadéro, et – là résidait l’idée géniale de Viollet-Leduc – des campagnes de moulages furent réalisées sur les bâtiments civils et religieux de manière à rassembler des reproductions grandeur nature de sculptures et, magnifique ambition, de portails d’églises entiers.<o:p></o:p>

    Un mot simple comme « moulage » ne doit pas induire en erreur : la technique du moulage est un métier à part entière. Les lectrices qui ont peiné à démouler un kouglof comprendront la prouesse que représente le moulage d’un portail sculpté.<o:p></o:p>

    Dans la nouvelle disposition, aérée, de la Galerie, le roman est classé par régions, le gothique par périodes. Quelques éléments d’architecture civile et militaire, un peu de Renaissance, mais la part la plus importante est médiévale. D’un tympan sculpté, on apprécie l’ensemble puis les détails : celui de Conques où figure pour la première fois le Jugement dernier, celui de Vézelay avec ses êtres étranges (à un pied, à grandes oreilles, à tête de chien) qui sont les peuples lointains appelés au Salut. Dans la grande composition du tympan de Neuilly-en-Donjon (Allier), on remarque la Madeleine essuyant les pieds de Notre Seigneur. <o:p></o:p>

    Le portail gothique de Rouen raconte l’histoire du Baptiste. Salomé dansant est représentée dans la pose donnée habituellement aux acrobates. Elle est bien plus gracieuse sur les chapiteaux toulousains : elle esquisse un pas de danse tandis qu’Hérode lui tient le menton. <o:p></o:p>

    Saint-Gilles, la Porte Miégeville, Saintes, Moissac… Cet art qui allie souvent, sans effort, l’appétit théologique au plaisir de raconter une histoire a beaucoup à nous apprendre. Je ne crois pas m’être trompé en lisant dans les yeux des visiteurs un émerveillement, voire une certaine sidération : la Galerie de moulages manifeste le christianisme de la France et la grandeur de son art, au rebours des déni & dénigrement ordinaires. M. Chirac pourrait venir y méditer sur la nature de nos racines. Au-delà de l’aspect culturel, l’art médiéval, même détaché de son sanctuaire, reste d’une telle force que sa dimension sacrée n’en est pas diminuée : son efficacité est intacte.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Cité de l’architecture et du patrimoine, 1 place du Trocadéro, Paris XVIe<o:p> </o:p>

    illustration : Au fond, moulage du portail de Vézelay ; sur la droite, moulages du portail de l’église Saint-Lazare, Avalon © Cité de l’architecture & du patrimoine/Nicolas Borel

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  • Rachida D. fait de l'esprit


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  • Au musée de la Vie romantique<o:p></o:p>

    Un Prix de Rome :

    J.-J. Henner

    (1829-1905)<o:p></o:p>

    Présent du 22 septembre 07<o:p></o:p>

    « Et qu’ont donné depuis cent ans les prix de Rome ? Rien qui marque dans l’histoire de notre art. Il y a pourtant quelques jeunes gens qui entrent dans à l’Ecole avec des dons. Ils les y perdent rapidement s’ils y restent. » Ce constat d’Henri Charlier (L’Art et la Pensée, chapitre « Formation de l’artiste »), le peintre Jean-Jacques Henner l’illustre avec justesse.<o:p></o:p>

    Quel contraste, en effet, entre le portrait qu’il peint en 1945, celui du menuisier Jean Hermann, vieil homme de profil coiffé d’un bonnet blanc, tableau frais, à la touche instinctive, et la composition qui lui obtint le Prix de Rome en 1858 : Adam et Eve trouvant le corps d’Abel, où des personnages cireux et cotonneux bravent le bitume envahissant ! Voilà à quoi aboutissait un peintre après neuf ans de Beaux Arts à Paris (1846-1855) et deux échecs au Prix (en 55 et 57). De nos jours le Prix de Rome n’existe plus ; l’Ecole des Beaux Arts, toujours, avec des résultats équivalents.<o:p></o:p>

    Le Prix lui permit de passer cinq ans à la Villa Médicis et de visiter l’Italie. Il y retrouva la lumière. Ses paysages se ressentent de l’influence bénéfique de Corot. Mais, rentré à Paris, il allait retomber dans la peinture de son époque, non sans avoir eu la possibilité d’en réchapper.<o:p></o:p>

    En 1868 et 1869, influencé par ses amis Degas et Manet, il peint deux nus, La Toilette et La femme au divan noir. La toilette est si décriée qu’il la détruit. Quant à La femme au divan noir, elle soutient – nous dit-on – la comparaison avec les nus de Courbet, Manet et Renoir, jugement auquel objectivement il est impossible de souscrire. Ce contraste dur du corps sur le fond, qu’on retrouvera souvent, ce corps, bien que dur, d’une morbidesse totale, voilà deux raisons de ne pas faire toute une histoire de ce tableau. <o:p></o:p>

    Quoi qu’il en soit, le désir d’honneurs et de reconnaissance lui fit repousser ces influences et adopter une facture plus lisse, qui correspondait au goût du jour.<o:p></o:p>

    Alsacien touché par la perte de sa province, il peignit en 1871 une femme en costume noir, L’Alsace – Elle attend. Cette allégorie offerte par les dames de la ville de Thann à Gambetta connut un grand succès malgré sa maladresse et sa figure cireuse encore. Elle diffère peu des portraits mondains réalisés dans les années 70-80, qui furent loués en leur temps pour rendre si bien l’image de la bourgeoise parisienne type (La femme au parapluie, 1874). De ces portraits, Henner en peignit près de quatre cents : il était à la mode.<o:p></o:p>

    De la fraîcheur surgit inopinément d’un petit portrait à l’huile de Séraphin Henner (1877), qui rappelle le portrait du menuisier, comme une revanche du vrai tempérament du peintre, manifesté aussi dans des paysages alsaciens non conventionnels que l’artiste n’exposa pas. <o:p></o:p>

    Typiques de sa manière agréée du public, les nombreuses rousses (illustration), déclinées en rêveuses ou en nymphes, ou en Madeleine : mais un crâne au pied d’une femme nue suffit-il à faire une Madeleine, et une Madeleine repentante ? Cette peinture qui ne dépasse pas la vague religiosité est encore un trait de l’époque. De son Jésus au tombeau, Jules Claretie (écrivain alors en vue) a écrit qu’il serait un jour « accroché à côté du Christ de Philippe de Champaigne, qu’il écraserait presque par la comparaison ». Emballement d’homme de lettres, jugement déraisonnable par surenchérissement rapporté très sérieusement par les exposants comme une preuve de la grandeur de l’art de J.-J. Henner. C’est une attitude fort regrettable, et qui ne peut que nuire à l’artiste.<o:p></o:p>

    Pourquoi ne pas attribuer sensément à J.-J. Henner sa place dans l’histoire de l’art ? Pourquoi le travestir en romantique, ou en non académique, etc., alors qu’il fut un peintre à la mode dans une époque plutôt médiocre et comme tel représentatif d’une certaine médiocrité ? Il y aurait mérite à assumer cela, et aucun déshonneur. On regarderait ses toiles avec intérêt, avec la juste mesure de ce qu’elles représentent, sans être agacé par des arguments de placier. <o:p></o:p>

    Mort en 1905, Henner eut aussitôt une salle dans le Petit Palais, qui ferma en 1935 quand son heure eut définitivement passé. C’est un peintre officiel du Second Empire et de la IIIe République, avec les faiblesses que cela suppose, ce qui n’empêche pas l’honnêteté : membre influent du jury du Salon, il défendit la peinture de Renoir et de Manet, et celle de Courbet à la fin de sa vie alors que, exilé en Suisse, il était l’objet d’un harcèlement et d’une haine démesurés. Cet aspect sympathique du peintre est d’ailleurs visible dans sa photographie par Nadar (1888) : Henner paraît sorti d’un dessin de Hansi. Son air bonhomme correspond mal à sa peinture.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Face à l’impressionnisme, J.-J. Henner, le dernier des romantiques, <o:p></o:p>

    jusqu’au 13 janvier 2008, Musée de la Vie romantique<o:p></o:p>

    illustration : Rêverie, vers 1904-05 © Musée du Petit Palais / Roger-Viollet<o:p></o:p>


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  • Au musée Guimet<o:p></o:p>

    Un musée en vie<o:p></o:p>

    Présent du 15 septembre 07<o:p></o:p>

    La mort guette tout musée, une mort lente par routine, quand les collections dépérissent dans un environnement vieilli, surveillées par un gardien anémique sous l’œil désabusé du conservateur. Horrible tableau ! que n’offre pas, heureusement, le musée Guimet, dont le dynamisme est indéniable. <o:p></o:p>

    Créé en 1889 pour abriter la collection de l’industriel Emile Guimet (1836-1918), le musée s’est enrichi depuis grâce aux expéditions et fouilles en Extrême-Orient, au transfert dans ses murs du musée indochinois du Trocadéro et de la section des arts asiatiques du Musée du Louvre, mais aussi bien sûr grâce aux dons (en particulier les donations de l’éditeur Michel Calmann, de l’antiquaire Robert Grousset, de Jean et Krishnâ Riboud). Seul un musée vivant donne envie à un passionné de léguer une œuvre.<o:p></o:p>

    Sa bibliothèque et sa photothèque sont un outil de travail apprécié pour la recherche, qu’Emile Guimet lui-même a pratiquée et encouragée en fondant la Revue de l’histoire des religions et les Annales du Musée Guimet, dans lesquelles, par exemple, Georges Dumézil a publié ses deux premières études de mythologie indo-européenne comparée (« Le Festin d’Immortalité » en 1924 et « Le problème des Centaures » en 1929).<o:p></o:p>

    Rénové à la fin des années 90, le musée des Arts asiatiques accroît son fonds en suivant une ligne précise : les collections sont organisées de manière à illustrer la diffusion de l’iconographie religieuse indienne dans l’Asie orientale. Donations généreuses et mécénat d’entreprises ont permis de combler des lacunes importantes. Le musée propose ces mois-ci un parcours dans l’ensemble du musée à la rencontre de quelques deux cents œuvres parmi les six mille acquises en une décennie, repérables par une signalétique propre. <o:p></o:p>

    Les terres concernées, de l’Inde au Japon en passant par la Chine, la Corée, le Népal, l’Asie du Sud-Est et les pays en –stan, la période en jeu, plus de deux millénaires, rendent impossible tout panorama, toute synthèse. Quand on n’est ni un généraliste, ni un expert en art de telle période dans telle région, on en a le tournis. J’ai donc eu le tournis et puissiez-vous l’éprouver aussi car il y a de belles choses à voir.<o:p></o:p>

    En sculpture, trois Bodhisattva retiennent l’attention : un de la fin VIIIe, japonais, et deux du Xe siècle, chinois. La taille est ferme, les volumes jouent bien, les plans sont découpés que c’en est un plaisir pour l’œil. Un Bouddha marchant (bronze), représentatif de l’art thaï du XVIe, dit style sukhothaï, au visage typé, est à l’opposé de ces sculptures : c’est un art de lignes et non de volumes, ce qui apparaît pleinement de profil. Tout cela est supérieur à un Bodhisattva himalayen (X-XIe siècles), où les détails l’emportent sur l’ensemble, trop orné qu’il est, enguirlandé.<o:p></o:p>

    Si l’ensemble est nettement bouddhique, la Chine antérieure se fait remarquer par des sculptures religieuses en bois assez étonnantes (illustration) : remontant aux Ve-IIIe siècles avant J.-C., ce sont des animaux protecteurs des tombes, tous munis plus ou moins à juste titre d’andouillers, comme cet oiseau phénix juché sur un tigre, dont les bois remplacent audacieusement les ailes.<o:p></o:p>

    Les paravents appartiennent à une philosophie de l’ameublement typiquement asiatique, et ici, coréenne. Tous n’ont pas la même inspiration. Poésie picturale d’un paravent joliment coloré, représentant un coq jaune pâle dans un paysage gris anthracite, vert et rouge brun. Ou poésie littéraire de ce paravent au dessin grisé qui rappelle les Chinois, avec les quatre gentilshommes et les trois amis – les quatre gentilshommes sont le bambou, le prunier, l’orchidée et le chrysanthème ; les trois amis le rocher, le pin et le bambou, thèmes chers aux lettrés. La poésie peut aussi être décorative lorsque le paravent simule un autre meuble : des étagères sont représentées en trompe-l’œil, s’y s’empilent livres et objets.<o:p></o:p>

    Restons dans l’ameublement avec des toiles peintes de l’Inde. Il s’en fabriquait de deux sortes : religieuse à l’usage des temples locaux, décorative à destination du Moyen Orient et de l’Europe. En 1686, les importations d’indiennes représentaient les trois quarts des bénéfices de la Compagnie française des Indes orientales ; les fabricants français firent interdire ces importations qui leur étaient nuisibles, et la Compagnie coula.<o:p></o:p>

    Une histoire touchante, pour terminer. Une tête féminine khmer (en grès) est arrivée au musée Guimet grâce à un donateur en 2006. En elle-même elle constituait un beau cadeau, mais le plus beau c’est qu’elle s’est trouvée s’ajuster parfaitement à une autre sculpture du musée, une divinité exhumée sans sa tête en 1935, au Cambodge sur le site de Bakong. (La tête avait été trouvée à proximité quatre ans plus tard.) Que souhaiter de plus au bonheur d’un conservateur ? <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    De l’Inde au Japon, 10 ans d’acquisitions, <o:p></o:p>

    jusqu’au 13 décembre 07, Musée Guimet<o:p></o:p>

    illustration : Grand phénix, Chine du Sud © Thierry Ollivier / RMN<o:p></o:p>


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