• Au théâtre Hébertot<O:P></O:P>

    Bigard est Clérambard<O:P></O:P>

    Présent du 11 octobre 08<O:P></O:P>

    J.-M. Bigard, un comédien pris si souvent en flagrant délit de vulgarité n’est pas, j’en ai conscience, la meilleure recommandation. Cependant le théâtre de Marcel Aymé est trop rarement monté pour dédaigner a priori, juste au vu de la tête d’affiche, une de ses meilleurs pièces. Clérambard est, comme Le Minotaure (pièce en un acte que les participants à une université d’été au Barroux purent voir jouée par les membres de l’Atelier de la Sainte-Espérance et quelques amis – il y a longtemps), Clérambard est une farce ramassée, on n’y déplore aucune de ces longueurs qui affaiblissent La Tête des autres et Les Quatre Vérités. <O:P></O:P>

    L’argument ? Le comte de Clérambard, dur aux humains, cruel aux animaux, a réduit sa famille et lui-même en esclavage sur des machines à tricoter afin de sauver de la vente les murs de l’hôtel particulier, et le nom de la faillite. Un parti se présente pour son fils Octave, flandrin mal dégrossi : la fille de Maître Galuchet, bonne dot et laide. Les Clérambard consentiront-ils à la mésalliance ? <O:P></O:P>

    C’est alors que saint François d’Assise apparaît au comte et bouleverse toutes les données. Le comte passe de la cruauté à la bonté, mais reste dans l’excès. L’amour universel qu’il prêche en garde quelque chose d’obtus et ses tentatives pour l’imposer s’accordent mal avec. Le sens des convenances et le bon sens – c’est parfois le même – ont beau être défendus par son épouse (l’excellente Véronique Boulanger) ou par la Langouste (Sophie Tellier), fille publique dont la déchéance est aux yeux du comte une qualité suffisante pour qu’il veuille y marier son fils (Nicolas Biaud-Mauduit, qui convainc scène après scène), rien n’entame l’ardeur et la maladresse du néophyte : « Nous laisserons là les soucis d’argent pour aller vivre dans la communion des gens et des bêtes en traçant derrière nous un sillon d’amour. » Le bon curé appelé à la rescousse, a cette phrase désolée qui peint un certain clergé : « Je suppose que le comte a été touché par la grâce. Evidemment, c’est ennuyeux. » <O:P></O:P>

    Coiffé d’un melon, droit dans ses bottes et sa robe de chambre, Jean-Marie Bigard campe un très bon Clérambard, après Jacques Dumesnil le créateur du rôle en 1950, après Philippe Noiret et J.-P. Marielle. De temps à autre, au détour d’une réplique, une de ces inflexions gouailleuses dont Bigard a le secret ressurgit comme malgré lui, sans que cela soit déplacé dans la bouche du comte à l’intelligence d’abord épaisse puis illuminée. « Qui mieux que lui pouvait donner tout ce qu’il y a de vorace, de généreux, de grandiose, de truculent dans ce personnage… ? », demande Nicolas Briançon dont la mise en scène a la fraîcheur et la légèreté qui conviennent au registre ayméen. <O:P></O:P>

    Samuel<O:P></O:P>

    Clérambard, jusqu’au 17 janvier 09, Théâtre Hébertot, 78bis bd des Batignolles, Paris XVIIe. Du mardi au samedi à 20 h 30 ; mâtinée le samedi à 16h ; relâche dimanche et lundi. Prix des places : de 19 à 65 euros. Tel : 01 43 87 23 23.

    Notre dossier Marcel Aymé


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  • Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Mantegna pinxit<o:p></o:p>

    Présent du 11 octobre 2008<o:p></o:p>

    Eparses dans toute l’Europe suite à la vente en 1620 de la collection des Gonzague, maîtresse famille de Mantoue, particulièrement présentes dans les musées français, les œuvres d’Andrea Mantegna sont réunies pour quelques mois au Louvre. La vie et l’œuvre du maître du Quattrocento – soixante ans de peinture – sont l’exemple d’un art hissé haut.<o:p></o:p>

    Né près de Padoue en 1431, Mantegna entre très tôt (à onze ans) dans l’atelier de Francesco Squarcione. Par rapport à la Venise marchande, Padoue était le centre intellectuel de l’Italie du Nord, et un centre artistique comme chacune des cités italiennes. L’appétit de Mantegna y trouva de quoi s’alimenter et son talent crût de façon telle qu’il quitta son maître au bout de six ans, en possession déjà de solides moyens et pressé d’acquérir son indépendance.<o:p></o:p>

    Alors que Mantegna était encore apprenti, le grand Donatello et ses aides séjournèrent à Mantoue (entre 1443 et 1454). L’influence du sculpteur fut grande. Sa façon de composer, buste à mi-corps encadré dans une baie ou en retrait derrière une margelle, fut reprise par tous. Mantegna l’utilisa pour un Saint Marc (1447). Au-delà, il trouva dans l’art de Donatello une rigueur formelle qui correspondait à sa personnalité.<o:p></o:p>

    En 1453, Mantegna épousa Nicolosia, la fille de Jacopo Bellini, la sœur de Giovanni. Il s’alliait ainsi au plus prestigieux atelier vénitien. Il n’y eut pas de collaboration avec son beau-frère, mais un fructueux échange d’idées entre 1455 et 1460, une influence réciproque au point que telle enluminure, telle peinture (La Vierge à l’Enfant entourée de saint Jérôme et saint Louis de Toulouse) ont pu être attribuées à l’un puis à l’autre. La sévérité de Mantegna se tempère de grâce, la Sainte Justine de Padoue (1455) y gagne en légèreté sans mièvrerie. Inversement, les scènes de la Vie de sainte Drusienne, par Bellini, remarquable prédelle oblongue, montrent l’influence de Mantegna. Puis leurs voies divergèrent, chacun s’appropriant les données réalistes de Rogier van der Weyden, venu en Italie aux alentours des années 1450. Que de délicats jeux d’influence, d’évolutions subtiles où personne n’abandonne sa personnalité mais s’enrichit !<o:p></o:p>

    En 1460 la réputation de Mantegna était solide. Les Gonzague l’appelèrent à Mantoue où il fut le peintre de trois générations de marquis, jusqu’à sa mort en 1506. A leur service, Mantegna trouvait des contraintes nombreuses et une carrière à sa mesure. Décorations du Château Saint-Georges (les fresques de la fameuse Chambre des Epoux), tableaux religieux, profanes tels que la série des Triomphes de César.<o:p></o:p>

    Il serait irrespectueux d’énumérer des œuvres qui toutes méritent attention. Notons juste que dans les deux versions de la Prière au jardin des Oliviers (celle de Londres, 1453, et celle de Tours postérieure de quelques années) les apôtres endormis ne sont pas seulement entendus mais écrasés de sommeil : les corps ont une pesanteur extraordinairement rendue. La lutte entre la vigilance et la lassitude, ou entre l’espérance et la tristesse (cause selon St Luc de ce sommeil), a été remportée par la chair : l’homme s’effondre. La grâce qui maintient tant de saintes figures debout et dignes – « le vieux fond de sévérité gothique » de l’école padouane (expression de S. Reinach) est omniprésent chez Mantegna, quelque modernité qu’il acquît –, cette grâce venant à manquer, la chair s’appesantit. Un des Vices du tableau Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu a la même lourdeur corporelle : son avilissement complet est l’aboutissement de ce qui est chez les apôtres une défaite temporaire de l’âme (trois petits lapins non loin sont tout ce qui leur reste de force à cet instant). Cela n’est qu’un aperçu d’une belle adéquation de la qualité picturale à la qualité spirituelle.<o:p></o:p>

    A partir des années 1490, la gloire de Mantegna ne faiblit pas mais la nouvelle génération aspirait à une autre peinture. La jeune marquise Isabelle, adolescente épouse du marquis Francesco Gonzague, voulait du souriant. Elle demanda deux œuvres pour la décoration de son studiolo, mais s’adressa pour la compléter au Pérugin. Ce n’est plus de douceur à la Bellini qu’il s’agit, mais du sentimentalisme à la Léonard, une manière vaporeuse de nier la forme quand le faire de Mantegna l’affirme. Dans ce contexte, une des plus belles Sainte Famille qu’il ait peintes (1490 – illustration) ou L’adoration des Mages (1495-1500) ont valeur de manifeste de retenue, d’austérité et de rigueur. Mantegna enfin ne s’occupa plus que de décorer sa chapelle funéraire. Il mourut le 13 septembre 1506, alors qu’Albrecht Dürer cheminait vers Mantoue pour le rencontrer.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Mantegna, 1431-1506, <o:p></o:p>

    jusqu’au 5 janvier 2009, Musée du Louvre.<o:p></o:p>

    Illustration : Sainte Famille entre ste Elisabeth et st Jean-Baptiste enfant © Staatliche Kunstsammlungen Dresden


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  • Aux Gobelins<o:p></o:p>

    Louis & Alexandre<o:p></o:p>

    Présent du 4 octobre 08<o:p></o:p>

    Ils ne sont pas nombreux à avoir été « le grand ». Aussi est-il normal qu’au-delà des siècles – des millénaires –, ils aient constitué à partir de cet adjectif substantivé un club où les benjamins revendiquent l’héritage moral et militaire des aînés. Alexandre, ayant pour lui l’Antiquité et la jeunesse, un empire oriental et un trépas babylonien, constituait aux yeux de Louis XIV un alter ego plus éclatant que Charlemagne. Quel meilleur exemple qu’un conquérant qui tenait Darius en respect, lui répondant avant même de l’avoir vaincu : « Du reste, quand tu m’écriras, souviens-toi que tu écris à un roi, et, qui plus est, à ton roi. » (Quinte-Curce)<o:p></o:p>

    Voltaire d’ailleurs, autre Quinte-Curce (plus critique mais pas moins subjectif), rapproche le siècle d’Alexandre et celui de Louis comme deux des quatre siècles, pas plus, « où les arts ont été perfectionnés, et qui, servant d’époque à la grandeur de l’esprit humain, sont l’exemples de la postérité. » <o:p></o:p>

    La manufacture des Gobelins, fondée par Louis XIV et Colbert en 1662, se devait de concourir à la grandeur du règne, et par la diffusion des images de cette grandeur, et par leur qualité même. Premier directeur en date, l’incontournable Charles Le Brun à qui on doit les cartons de la monumentale Histoire d’Alexandre (1660-1673 – illustration). Les tapisseries de l’Histoire du Roi sont le fruit de sa collaboration avec Adam-Franz Van der Meulen (« peintre des conquêtes du roi » depuis 1665). Au nombre de quatorze, elles fixent des événements allant du sacre (1654) à la prise de Dôle (1668).<o:p></o:p>

    Van der Meulen réalisa également au début des années 1680, aidé de François Bonnemer, quatre peintures sur soie ayant trait au passage du Rhin (juin 1672), événement phare de la guerre de Hollande, qui avait son répondant dans le franchissement, par Alexandre, du Granique qui lui ouvrit l’Asie mineure. Le passage du Rhin fut chanté comme un haut fait, il faut probablement en rabattre un peu. Les peintures représentent les pontonniers, ou Condé à la tête de la cavalerie, elles sont inférieures au « Passage du Granique » composé par Le Brun. Différence de talent ? Pas seulement, car Le Brun n’est pas plus à l’aise que Van der Meulen lors de leur collaboration à l’Histoire du Roi. On y retrouve les mêmes soldats gauches, figés. C’est qu’autant l’histoire antique permet l’inventivité autant l’actualité est rétive à l’adaptation artistique. Prisonniers de l’exactitude des paysages (Van der Meulen a scrupuleusement pris note des lieux), des costumes militaires, de l’organisation de l’armée, les artistes ne trouvent pas le ton héroïque.<o:p></o:p>

    Même lorsque la tapisserie rend compte du sang-froid du Roi au siège de Douai au moment où un boulet tue le cheval du garde qui se tient à ses côtés, ou de son courage quand, au siège de Tournai, il descend dans les tranchées contre l’avis de Turenne, la scène n’évoque ni l’un ni l’autre. Le peu d’allant de la composition trahit le manque d’aisance à transcrire en style noble une réalité trop proche – la guerre de Dévolution.<o:p></o:p>

    Du point de vue de la glorification des royales qualités, une fois admis le parallèle implicite entre l’empereur grec et le monarque chrétien, l’Histoire d’Alexandre est plus parlante. Le passage du Granique et la bataille d’Arbèles manifestent l’esprit guerrier et l’intelligence tactique, le premier acte de la guerre contre Darius (334 av. J. C.) et la victoire finale (331 av. J. C.) que suit « Le triomphe dans Babylone » ; les armures, les éléphants, les glaives, le corps à corps au milieu duquel le chef combat en personne, surtout quand tous ces éléments sont mis en scène par Le Brun avec maestria – et malgré la décoloration de certaines laines qui accroît désormais la confusion –, en disent plus qu’un élégant monarque dans une tranchée, si digne fût-il.<o:p></o:p>

    « Poros blessé » montre la magnanimité du roi, après la bataille de l’Hydaspe (326 av. J. C.), lorsque Alexandre, vainqueur de Poros, le maintient sur son trône de souverain local en hommage au courage dont il a fait preuve au combat – magnanimité qui allait de pair avec l’intention politique puisqu’il s’assurait ainsi un vassal dans une région peu sûre. « Je sais en même temps vaincre et respecter le malheur des vaincus », fait dire ailleurs à Alexandre son historien latin (et vincere et consulere victis scio).<o:p></o:p>

    Les tapisseries sont accompagnées de superbes bureaux d’époque, de dessins préparatoires et de gravures, d’un tapis dessiné par Le Brun pour le Louvre (1678), de vases, de topiaires rappelant les jardins de Versailles. Dès maintenant et dans les mois à venir, c’est aux Gobelins qu’il faut aller pour jouir du Grand Siècle sans kooneries adventices.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Alexandre et Louis XIV, Tissages de gloire, <o:p></o:p>

    jusqu’au 1er mars 09, Manufacture des Gobelins,<o:p></o:p>

    Illustration : La famille de Darius aux pieds d’Alexandre, d’après Charles Le Brun (photo Ph. Sébert)<o:p></o:p>


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  • Au musée de la Vie romantique<o:p></o:p>

    Ingres sur papier<o:p></o:p>

    Présent du 27 septembre 08<o:p></o:p>

    J.-A.-D. Ingres (1780-1867) eut fort à faire pour que sa peinture soit acceptée sans réticence, mais son dessin – la ligne telle qu’il la peignait, la ligne ingresque épurée – fut toujours louée. Le musée Ingres de Montauban possède une collection considérable de dessins. Catherine Lépront, écrivain, a été invitée à piocher dans ce fonds.<o:p></o:p>

    Pas de dessin qui ne soit destiné à être traité en peinture. Le maître ne lésinait pas sur l’esquisse : la réalisation des grandes toiles était précédée de quelques centaines de dessins. Personnage par personnage, détail par détail, le bras comme-ci, le bras comme-ça, la main plus ou moins infléchie… Avant même d’être habillée, la pose est étudiée nue pour que sa justesse anatomique ne pâtisse d’aucune négligence, puis drapée. <o:p></o:p>

    Toutes ces références aux œuvres majeures du peintre retracent sa carrière partagée entre Paris et Rome comme entre échecs et succès. Grand prix de Rome en 1801, Ingres n’y partit qu’en 1806, l’Administration n’ayant pas le budget nécessaire. Arrivé là-bas, il apprit que ses toiles présentées au Salon avaient été vivement critiquées, en particulier par David et ses élèves. Les années suivantes ne lui donnèrent pas envie de regagner Paris : ses envois à l’Académie, auxquels en tant que pensionnaire de la Villa Médicis il était tenu, furent jugés sévèrement, ses envois aux Salons de 1814 et de 1819 ne firent pas l’unanimité. Ingres vécut dix-huit années d’exil en Italie.<o:p></o:p>

    Cependant la toile peinte pour la Trinité-des-Monts (Jésus remettant les clefs à saint Pierre) fit parler d’elle, et Montauban demanda une œuvre pour la cathédrale. Le Vœu de Louis XIII y fut installé en 1824. La Vierge est raphaélesque, sa pose se ressent du projet initial, une Assomption. Une très belle étude montre les anges qui écartent les rideaux dans des poses chorégraphiques, nettement atténuées malheureusement dans le tableau. Le Vœu fit taire les ennemis d’Ingres, qui rentra à Paris. <o:p></o:p>

    Dix ans s’ensuivirent, de reconnaissance : Delacroix et l’école romantique lui rendent justice ; il a la Légion d’Honneur, est nommé président de l’Ecole des Beaux-Arts. Le Martyre de saint Symphorien lui est commandé par l’évêque d’Autun, lieu du martyre. De nombreux dessins mettent en lumière la mise en place, lente, des nombreux personnages, de leurs attitudes et de leurs gestes. Le tableau reprend la légende dorée du saint : la mère de Symphorien s’adresse à son fils « de dessus le mur » en lui montrant le ciel, « Mon fils, mon fils, souviens-toi de la vie éternelle ; lève les yeux en haut, et contemple celui qui règne dans le ciel. On ne t’ôte point la vie, on la change pour une meilleure existence », tandis que le préteur, d’un geste (illustration), ordonne le supplice du jeune homme qui a refusé d’honorer la statue de Vénus.<o:p></o:p>

    Hélas ! le tableau, présenté au public en 1834, s’attira une bordée immédiatement lâchée, cruelle. Ulcéré, le peintre demanda et obtint le poste de directeur de la Villa Médicis, où il resta six ans. (Il fut un excellent directeur, actif, proche des élèves, exigeant.) L’estime que provoqua son tableau Stratonice (1840) adoucit sa blessure et le décida à regagner Paris, à jamais cette fois. L’unanimité qui avait fait défaut était totale désormais, n’y manqua que l’acquiescement de Delacroix avec qui le désaccord artistique était définitif.<o:p></o:p>

    La peinture d’Ingres a souvent, malgré bien des qualités, un côté ennuyeux. Ses dessins aussi , ils expliquent ce défaut, d’ordre technique et non imaginatif : il a cherché la pureté calligraphique du trait et non sa spontanéité (pour reprendre l’analyse et les termes d’Henri Charlier). Quand Catherine Lépront écrit que « Plus l’idée se précise plus le dessin est épuré. Le corps semble perdre de sa matière, littéralement se désincarner pour qu’il n’en subsiste que son contour essentiel, sa forme stricte, comme si Ingres avait procédé par gommages successifs de données superflues » – quand elle écrit cela elle a partiellement raison dans la mesure où Ingres a en partie tort, ce ne sont pas des données superflues qui ont été gommées, mais la vie même du corps que seule la vivacité du trait communique. « Il faut modeler rond, et sans détails intérieurs apparents », disait Ingres ; les figures deviennent alors ces silhouettes que C. Lépront nomme des ombres permanentes.<o:p></o:p>

    Ingres était tout exigence à l’égard de son art, et c’est à son honneur, mais il se trompa de méthode. Ce pourquoi ses contemporains l’admiraient, était en réalité une faiblesse. Ingres, à force de surveiller sa ligne, ennuie comme, à table, une femme qui surveille la sienne au lieu de profiter.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Ingres, Ombres permanentes, <o:p></o:p>

    jusqu’au 4 janvier 2009, Musée de la Vie romantique<o:p></o:p>

    Illustration : Le préteur (détail du Martyre de st Symphorien) © Musée Ingres, Cliché Roumagnac<o:p></o:p>


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  • Benoît XVI aux Bernardins<o:p></o:p>

    Leçon inaugurale<o:p></o:p>

    Présent du 15 septembre 08<o:p></o:p>

    Les origines de la théologie occidentale et les racines de la culture européenne, tel est le thème qu’a traité Benoît XVI au Collège des Bernardins vendredi soir devant les responsables de la culture. Ora et labora.<o:p></o:p>

    L’importance de l’activité monastique dans la formation de la culture chrétienne est d’emblée soulignée. Cette culture est née d’une recherche, non au sens moderne du mot – les responsables de la pastorale l’emploient pour parler d’une aimable perte des certitudes –, mais au contraire d’une acquisition : Quaerere Deum, recherche à laquelle la Parole révélée contribue efficacement.<o:p></o:p>

    Intéressés à la Parole divine, les moines ne pouvaient que se pencher sur le langage humain qui l’a exprimée. « La recherche de Dieu requiert donc, intrinsèquement, une culture de la parole […]. Le désir de Dieu comprend l’amour des lettres, l’amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. Puisque dans la parole biblique Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, ils devaient apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, devenaient importantes. » <o:p></o:p>

    Cette Parole devenue dialogue entre l’homme et Dieu par la récitation des psaumes, donna naissance à un chant en rapport avec celui des anges en présence du Tout Puissant (ici le Pape a des phrase qui rappellent la Sainte Liturgie), et plus largement à la musique occidentale. « De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même donnés est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une « créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité. » <o:p></o:p>

    La spécificité de la Parole biblique réclame son interprétation à la lueur de l’Esprit qui vivifie et qui rend libre mais n’autorise aucune subjectivité : l’homme libre est lié par un lien d’intelligence et d’amour. « Cette tension entre le lien et la liberté, qui va bien au-delà du problème littéraire de l’interprétation de l’Écriture, a déterminé aussi la pensée et l’œuvre du monachisme et a profondément modelé la culture occidentale. Cette tension se présente à nouveau à notre génération comme un défi face aux deux pôles que sont, d’un côté, l’arbitraire subjectif, de l’autre, le fanatisme fondamentaliste. Si la culture européenne d’aujourd’hui comprenait désormais la liberté comme l’absence totale de liens, cela serait fatal et favoriserait inévitablement le fanatisme et l’arbitraire. L’absence de liens et l’arbitraire ne sont pas la liberté, mais sa destruction. » <o:p></o:p>

    L’autre aspect de la vie monacale, le travail, par lequel l’homme collabore à l’œuvre du Créateur, explique « le développement de l’Europe, son ethos et sa conception du monde ». Cette collaboration consiste aussi à rendre la foi communicable à ceux qui recherchent le dieu inconnu car au-dessus des cultures diverses existe la Vérité. « Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. »<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>Choisir un sujet aussi polémique que celui des racines chrétiennes de la culture européenne face à un auditoire composé de représentants d’une culture obstinément renégate, de têtes telles que celles de Chirac et de Delanoë, de représentants du culte musulman, revenait à mettre les pieds dans le plat. La tranquillité et l’assurance des propos de Benoît XVI sont une marque d’autorité indéniable, sur les païens comme sur les catholiques qui ne seraient pas disposés à les faire leurs. La netteté des idées pontificales s’oppose à la dysphasie du collège épiscopal français confit en bégaiements et approximations. Cette allocution constitue une véritable leçon inaugurale qui indique ce que serait la vocation retrouvée des Bernardins si les autorités ecclésiastiques locales substituaient au Relativisme ambiant la Sagesse chrétienne mentionnée par Benoît XVI. Au-delà, elle rappelle aux chrétiens comment ils doivent occuper « la scène culturelle ».<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Texte complet de l’allocution papale


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