• A la fondation Cartier<o:p></o:p>

    Un César sans Rubicon<o:p></o:p>

    Présent du 30 août 08<o:p></o:p>

    Un choix d’œuvres rassemblées à la Fondation Cartier : l’architecte Jean Nouvel commémore le sculpteur César (1921-1998) qui fut un de ses grands amis. Alors que la décennie qui a suivi la disparition de l’artiste s’est déroulée péniblement pour les proches sur fond de redressement fiscal, disparition d’œuvres et treizièmes tirages, faux dons et fausses ventes – un micmac successoral qui rappelle l’héritage Vasarely –, l’anthologie ramène les regards vers les Fers, les Expansions et les Compressions. Jean Nouvel connaît intimement la création césarienne, et on peut le croire sur parole lorsqu’il énonce que « l’Expansion est le contraire de la Compression » (bâtir des tours exige une hauteur de pensée).<o:p></o:p>

    Le geste compressif restera la marque de fabrique de César. Les premières voitures compressées datent de 1960, l’année de sa mort il en compressait encore – cette Suite milanaise réalisée dans les usines Fiat dont les esthètes savourent les délicates teintes industrielles. Jean Nouvel y décèle une préciosité et reconnaît se délecter « à regarder toutes ces tôles comme s’il s’agissait de drapés. » <o:p></o:p>

    Mais de quels drapés parle-t-on ? Du drapé qui exprime quelque chose, ne serait-ce que le corps qu’il recouvre ? Ou du drapé qui n’est que plis, qui n’a d’autre signification que lui-même ? Les drapés de tôle de César sont à rapprocher des drapés les moins sculpturaux du Bernin : l’Extase de Sainte Thérèse et l’Agonie de la Bienheureuse Louise Albertoni, qu’annonçait le monument à Sœur Maria Raggi. La technique y est admirable, mais l’idée appauvrie puisqu’en fin de compte elle est réduite à un courant d’air. La virtuosité au service du vide constitue une rhétorique. Chez César la vacuité existe en l’absence de technique. De façon semblable les Expansions de mousse de polyuréthane, mates, brillantes, métalliques ou granuleuses, ne nieront pas n’être que du laisser-aller de matière. <o:p></o:p>

    D’identique néant, ses quelques réalisations figuratives académiques (César a été formé par l’enseignement des Beaux-arts, Marseille puis Paris). Le monument à Eiffel, réalisé durant les années 1984-1989 avec des poutrelles ôtées à la Tour, est accompagné d’une sculpture en pied de l’ingénieur : celle-ci vaut autant qu’une statue de square. Il faut des statues dans les squares, il en est de touchantes comme celle de l’inventeur Martin : « Cette effigie le représentait en pied, avec un pardessus de bronze, si bien imité que les coins semblaient frissonner à un courant d’air, comme il arrive assez souvent dans la vie. » Le Monsieur Eiffel par César est de ce médiocre acabit. Comme tant d’autres quand il pratique le métier « traditionnel », il est sans intérêt. Les gestes innovateurs des artistes modernes sont un cache-misère – cette misère intérieure qui est la marque de l’art du vingtième siècle.<o:p></o:p>

    La cachotterie, possible avec des carrosseries, est moins aisée avec la chair. Jean Nouvel s’y laisse prendre, il admire « ces échantillons du corps humain, emblèmes de la sensualité agrandis dans une perfection anatomique allant jusqu’à l’empreinte digitale, le grain de la peau ou le pore… » Le pouce de César se décline en divers matériaux et tailles variées, jusqu’au monumental (illustration), ainsi que d’autres fragments de corps (seins, mains) appelés Empreintes humaines. <o:p></o:p>

    Des empreintes qui trahissent l’artiste faux : ce n’est pas aux fragments de la statue de Constantin qu’on songe (musée du Capitole) mais à Carpeaux qui a pratiqué l’agrandissement et la duplication à outrance, rapetissant et banalisant son talent. De même César avec son pantographe : croire que le gigantisme conférera la plénitude à ce qui est creux est une illusion. Peu importe les matériaux, que le pouce soit en résine de polyester orange ou rose, en cuivre, en aluminium, ou en bronze ou en marbre, il est manifeste que le relief ne suffit pas à faire un volume, il y manque la qualité de la forme.<o:p></o:p>

    Devant ces compléments de moignons, comment ne pas songer à l’antithétique main peinte par Bernard Bouts ? C’est une toile de 2 mètres de haut (reproduite page 28 de l’album dont DMM assura la distribution), que l’artiste a modestement et pudiquement appelée étude. Un cartouche situé en bas à droite représente Adam et Eve au pied de l’arbre, éclairant le sens de cette main : elle est aussi bien celle du Dieu créateur, modeleur de glaise, que celle de la Créature qui s’apprête à cueillir, voire qui a cueilli ; elle raconte la beauté et le mystère de la main ou du geste. Cette toile de Bernard Bouts compresse à elle seule toute l’œuvre de César, car elle dit quelque chose.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    César, Anthologie par Jean Nouvel, jusqu’au 26 octobre 2008,

    Fondation Cartier pour l’Art contemporain

    illustration : César, Pouce, 1965 © Adagp, Paris, 2008 © P. Gries<o:p></o:p>


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  • Patrimoine<o:p></o:p>

    La Visitation Sainte-Marie<o:p></o:p>

    Présent du 23 août 08<o:p></o:p>

    La façade du Temple Sainte-Marie (près de Bastille) vient de bénéficier d’un rafraîchissement. Le passant, par manque de recul, remarque à peine cet édifice qui, chapelle du premier en date des couvents parisiens des Visitandines, a de remarquable d’avoir eu François Mansart comme architecte et Monsieur Vincent comme desservant, puisqu’il était aumônier de cette communauté dont la supérieure était Jeanne de Chantal – pas moins. Les nièces de Mazarin furent élevés dans ce couvent, et plus d’une fois, raconte-t-on, versèrent leurs encriers dans les bénitiers.<o:p></o:p>

    N.-D. des Anges, communément appelée Visitation Sainte-Marie, a été affectée en 1802 au culte protestant, devenant Temple Sainte-Marie. Le culte de l’Eglise Réformée de France y est célébré quatre fois le dimanche : selon le rite normal (j’allais dire « ordinaire »), en style afro-antillais, en japonais et en arabe. <o:p></o:p>

    L’ex-diplomate Noël Brûlart de Sillery, de l’ordre de Malte, que Monsieur Vincent convainquit de mieux utiliser sa fortune et qui devint prêtre, finança la construction de la chapelle. Il posa la première pierre en octobre 1632 ; la dédicace eut lieu en septembre 1634, célébrée par Mgr Frémyot, frère de Mme de Chantal. Sillery fit travailler son maître maçon Michel Villedo et François Mansart, âgé de 35 ans, remarqué déjà pour la façade de l’église des Feuillants. Avec la Visitation Sainte-Marie, Mansart signait un chef-d’œuvre et montrait qu’il pouvait se tirer intelligemment de contraintes nombreuses. <o:p></o:p>

    La chapelle devait en effet trouver sa place dans un tissu urbain dense et être adaptée au fonctionnement des bâtiments conventuels (d’où son orientation au sud). Il prit le parti de supprimer la nef et articula les volumes intérieurs de façon à donner l’impression d’un espace plus vaste : un cercle sur lequel se greffent le sanctuaire ovale et deux chapelles latérales en forme de haricot, surélevés par sept marches ; deux autres petites chapelles enfoncées sont aujourd’hui fermées. Le plan s’inspire certainement de la chapelle du château d’Anet par Philibert Delorme, certains penchent pour des modèles romains mais cela n’est pas prouvé. Rome devait exceller dans les combinaisons de cercles et d’ellipses, en un jeu savant et raffiné, mais plus tard, dans la seconde moitié du siècle. <o:p></o:p>

    Sa coupole, par contre, la range aussi parmi les églises « romaines », elle vient chronologiquement après celle de Saint-Joseph des Carmes (1613-1620, aujourd’hui chapelle de l’Institut catholique) ; sa voisine Saint-Paul-Saint-Louis lui est contemporaine, 1627-1641 ; elle précède la Sorbonne, 1635-1643 ; le Val-de-Grâce, dessiné par Mansart en 1645.<o:p></o:p>

    Extérieurement, on saisit bien deux volumes : l’avant-corps, qui est l’entrée proprement dite ; la rotonde couverte de ce beau dôme coiffé d’un lanternon, lui-même terminé par une petite coupole amortie par une flèche. Les ajouts modernes qui datent du percement de la rue Castex (1805) gênent la compréhension des parties basses en cachant deux chapelles. Les contreforts ont heureusement retrouvé leurs pots-à-feu, restitués d’après documents. La façade s’orne d’un petit portail à fronton triangulaire sur les rampants duquel siègent deux allégories : la Religion et la Charité. Elles sont de E.-E. Hiolle (1874) mais reprennent exactement les originaux qui figurent sur les élévations dessinées par Mansart. La rosace est décorée d’une tête d’ange et s’achève par un fronton en demi-cercle (cœur, draperies).<o:p></o:p>

    A l’intérieur, les sculptures dues à Toussaint Chenu consistent essentiellement en têtes d’anges, feuillages, drapés, cartouches ; les pilastres, qui correspondent aux contreforts extérieurs, sont couronnés de chapiteaux corinthiens. Les fresques de la coupole (une Gloire) et celles du sanctuaire (une Assomption) ont disparu, tout comme les tableaux de François Perrier, de Claude Vignon et de Laurent de La Hire. L’autel majeur et les balustrades qui fermaient les chapelles et le sanctuaire manquent également. La lumière est essentiellement zénithale : par les ouvertures de la coupole, par un puits de lumière ovale au niveau du sanctuaire, surmonté d’une petite coupole visible depuis la rue Castex. Cependant l’obturation partielle ou totale de certaines ouvertures latérales fausse l’éclairage tel qu’il avait été conçu. Une autre modification change la perception que nous avons de l’espace : la chapelle ouest s’ouvrait sur le chœur des religieuses mais depuis la destruction des bâtiments conventuels et de ce chœur sous la Révolution cette chapelle est murée. <o:p></o:p>

    Les révolutionnaires nécrocides ne se privèrent pas de violer les sépultures des religieuses et des personnes célèbres enterrées dans l’église et dans la crypte : Brûlart de Sillery (1640), Mgr Frémyot (1641), Sainte Jeanne de Chantal (1687), le marquis de Sévigné tué en duel en 1651 par le sieur d’Albret pour une histoire de maîtresse, Nicolas Fouquet (1680)… <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Temple Sainte-Marie, 17 rue Saint-Antoine, Paris IVe.

    Autres articles "Architecture"

    expo béton Arts & Métiers / donjon de Vincennes /Galerie des moulages

     tour Saint-Jacques / tours parisiennes / Collège des Bernardins <o:p></o:p>


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  • Idées & Langages, par G. Lindenberger

    Calliope

    Grand Corps Malade, pseudo- nyme de Fabien Marsaud, le prince du slam (sorte de rap parlé sur un ton de frère prêcheur), tenait à encourager l’équipe de France de football avant son match contre l’Italie. Thème de son poème: l’union dans la diversité, naturellement. "Le chœur de ce message, destiné à rassembler les Tricolores et leur public, est que les différences entre les joueurs qui la composent font la force de cette équipe de France." Le jeu des différences? Cherchez l’erreur.

    Erato

    Interview dans à nous Paris (16 juin 08) du groupe de rap IAM, pour ses vingt ans. « - Vous faites partie de ce qu’on appelle des rappeurs à message. Avec le recul, pensez-vous que la musique peut changer le monde. Réponse - Le monde a changé. Même artistiquement. Je pense que l’impact de la télé-réalité sur dix ans de création artistique a été lamentablement dévastateur.» Car vingt de rap ont eux été éminemment constructifs. Une ature question? « Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas pu faire de la musique? Réponse. - Moi, archéologue. J’avais commencé des études d’archéologie. J’aurais gagné un salaire de merde sur un chantier moisi en Mésopotamie (rires).» Nos amitiés aux lecteurs archéologues.

    Héphaïstos

    Une nouvelle «correspondance» au musée d’Orsay, entre une œuvre de G. H. Breitner et Chr. Jaccard, «artiste du principe de combustion». «à partir du feu, il dégage deux notions qui se côtoient dans son oeuvre: expansion ignigène et évolution du Concept supranodal (accumulation de textures noueuses).» ça chauffe, ça chauffe... ça chauffe tellement que l’artiste «interroge dans cette correspondance l’érosion du temps et des énergies dont les délitements et les scories de l’ignition ne cessent de transformer notre perception. Et cette érosion devient par ailleurs, la source de production d’une réflexion chargée d’allusion et de métaphores».

    IRIS

    Melik Ohanian présentera à la rentrée diverses œuvres dans divers endroits. à la lecture du communiqué de presse, il est assez difficile de comprendre de quoi il retourne. C’est en tout cas l’occasion « d’expérimenter, à l’échelle de la ville et dans un même temps, une composition de points d’accès à des espaces physiques, conceptuels ou temporels participant à la production d’une seule et même figure.» En effet, n’hésiterais-je pas à dire quoique pas bien sûr de la pertinence de ce lien logique, « From The Voice To The Hand est la composition d’une géographie singulière qui invite le visiteur à un déplacement dans un espace-temps autonome; l’occasion pour l’artiste de mener une réflexion sur la nature et la structure de chacun des lieux investis, comme cadres avérés ou potentiels de re-présentation de l’art... La construction de ce dispositif d’expositions co-existantes, qui peut apparaître inaccessible dans un même temps, nous invite à sa propre pratique et à l’observation de son effet. » Le message n’est pas clair, mais passez-le à votre voisin.

    Moires

    Deux chercheurs suisses, après avoir comparé deux groupes de mouches sur quarante générations, ont pu montrer que les membres du groupe dont ils avaient développé les facultés intellectuelles par divers apprentissage vivaient moins longtemps que le groupe soumis à rien. Il y a bien « une corrélation négative entre une amélioration des capacités d’apprentissage de la mouche et sa longévité.» Rappelons que l’espérance de vie des Français croît chaque année.


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  • Au Muséum d’Histoire naturelle<o:p></o:p>

    Nos amis les cétacés<o:p></o:p>

    Présent du 9 août 08<o:p></o:p>

    A part ces exceptions que sont la taupe et la chauve-souris, les mammifères non-terrestres sont marins. Les cétacés se divisent en deux groupes : les odontocètes à la gueule munie de dents indifférenciées (dauphins, orques, cachalots…) et les mysticètes dotés de fanons, système pileux implanté sur la mâchoire (baleines et rorquals). Les scientifiques pensent avoir trouvé leur ancêtre, l’archéocète, un mammifère terrestre qui peu à peu se serait adapté à la vie aquatique jusqu’à devenir totalement marin par atrophie des pattes arrières, disparition des poils, remontée des narines fondues en un seul évent au sommet du crâne, rétractation des organes génitaux ou mammaires. Voilà qui doit inciter chacun à se baigner avec modération cet été.<o:p></o:p>

    Une quinzaine de squelettes, dont celui d’une baleine de vingt-trois mètres accroché en permanence, ouvre l’exposition du muséum, plongée dans une ambiance bleutée – et bruitée, car le cétacé est bavard : le dauphin fait des couacs, le cachalot des clics, le bélouga siffle et la baleine chante. Ces squelettes affirment bien fort que nous sommes en présence de vertébrés, les sirènes ne doivent pas en avoir d’autre sorte puisque c’est une cage thoracique prolongée d’une interminable colonne vertébrale que n’interrompt aucun bassin. <o:p></o:p>

    Parmi les particularités des cétacés, signalons leurs capacités respiratoires : leurs poumons sont beaucoup plus efficaces que les nôtres, ce qui en fait des apnéistes hors pair. Côté parturition et allaitement les baleines ne s’en laissent remontrer par personne : d’une espèce à l’autre la gestation dure de 11 à 15 mois, le baleineau est allaité, en qualité, d’un lait neuf fois plus gras que le lait humain, en quantité, de l’équivalent de 850 biberons par jour. Il prend ses 80 kilos quotidiens. Son éducation dure deux années. Il apprend la chasse et les codes sociaux.<o:p></o:p>

    Certains cétacés utilisent un sonar pour se repérer, comme les chauves-souris. Les ondes naissent au sommet de leur crâne, sont rassemblées dans la poche graisseuse frontale qui donne un profil caractéristique à ces animaux ; elles sont captées au retour par la mâchoire inférieure et envoyées au cerveau qui analyse l’obstacle (distance, forme, consistance, etc.). Animal intelligent, le dauphin n’est pourtant pas d’une intelligence supérieure. La grande sympathie de l’homme à son égard explique que des capacités exceptionnelles lui ont été prêtées.<o:p></o:p>

    Le dauphin est bon dès <st1:personname productid="la Gr│ce. Le"><st1:personname productid="la Gr│ce.">la Grèce.</st1:personname> Le</st1:personname> nom qui le désigne, delphis, est apparenté à delphax, le porc : les deux corps couenneux ne sont pas sans analogie. Poséidon convainc Amphitrite de l’épouser en envoyant un dauphin plaider sa cause auprès d’elle. Son fils Thésée, lorsque Minos le met au défi de prouver qu’il est bien « fils de », est escorté jusqu’au palais des Néréides par des dauphins. Son autre fils Arion, jeté à l’eau par des marins malfaisants, est sauvé par un dauphin. L’animal secouriste est également apollinien : lorsque Icarios le Crétois fait naufrage il est assisté par Apollon métamorphosé en dauphin. On comprend que dans les représentations chrétiennes des premiers âges, le Poisson qui représente le Christ soit parfois devenu un dauphin, « poisson » sauveur par excellence. <o:p></o:p>

    Le dauphin est entré en armes parlantes dans le blason des Valois, rapport au Dauphiné, puis dans celui des dauphins successifs. Le serre-bijoux offert à <st1:personname productid="la Dauphine Marie-Antoinette">la Dauphine Marie-Antoinette</st1:personname> en 1769 était décoré de nombreux dauphins (le dessin de ce meuble était visible à l’exposition du Grand Palais). Dans l’architecture, l’animal pullule à partir de <st1:personname productid="la Renaissance">la Renaissance</st1:personname> et durant l’ère classique et baroque, ornement incontournable des fontaines et bassins où il accompagne Poséidon et Amphitrite, Tritons et Néréides : voyez Rome ou Versailles. Son museau est écrasé, proche de celui d’un poisson.<o:p></o:p>

    La croyance en une amitié privilégiée entre l’homme et le dauphin existe encore de nos jours. Elle permet à la fondation Hulot de donner mauvaise conscience à peu de frais : une affiche enseigne que toute lampe laissée allumée tue un dauphin… La baleine, elle, a longtemps été suspecte à cause de ses dimensions. L’étymologie du mot cétacé, cétos (monstre marin), lui convenait. Des marins abusés croient débarquer sur une île : c’est son dos. Elle brise un bateau en deux, l’avale même (illustration). Mais l’histoire de Jonas montre qu’elle n’est pas diabolique : elle est à classer parmi les monstruosités bienfaisantes. De nos jours, elle bénéficie, comme l’éléphant, le gorille ou le lion, de la sensibilité humanitaire envers le pauvre animal chassé par l’Homo industrialis, ce mammifère nuisible dont on peut massacrer les petits sans quotas ni remords.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Incroyables cétacés !

    jusqu’au 25 mai 2009, Muséum national d’Histoire naturelle.<o:p></o:p>

    illustration : O. Magnus, Historia de gentibus septentrionalibus, 1555 © Bibliothèque centrale, MHNH<o:p></o:p>


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  • Quelques architectes remis d'équerre,

    par Kwasi Modo

    La justice a donné raison aux deux architectes de la tour Euro 2000 (Paris XIIIe) : ils en ont obtenu trente mille de dommages et intérêts pour préjudice moral. La copropriété n’avait pas, lors du ravalement de 2003, respecté la couleur d’origine. Celle-ci, « Imperator », avait été remplacée par une teinte plus claire, « Caca d’oie ». L’outrage est heureusement réparé.

    Pour le reste, les architectes ont intérêt à faire le dos rond. Alors que le débat est vif à Paris entre B. Delanoë et les élus au sujet des tours de plus de trente-sept étages que le maire veut autoriser dans la capitale, trois architectes reconnus sur la place, disons même de renommée internationale, subissent des affronts cruels.

    Jean Nouvel qui a reçu le prix Pritzker, sorte de Prix Nobel de l’architecture, a vu dans la foulée son projet pour la Tour Signal de La Défense à la fois couronné par le jury et débiné haut et fort par le maire UMP de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Reynaud. « Cette tour est laide et mastoc. Un monolithe qui écrase tout. [Jean Nouvel] a dit qu’il la conçoit comme « un donjon à la Défense ». Je ne suis pas ravie d’accueillir une forteresse assiégée sur le territoire de Puteaux. »1  (ill. 1, prévu pour 2015, 300 mètres de haut) Le côté inhumain de l’architecture moderne pointé du doigt par des édiles, c’est aussi nouveau que significatif d’un ras-le-bol. Mme le Maire déboulonne même les anciens, craignant que Jean Nouvel ne devienne un nouveau Le Corbusier. « Vous avez vu les réalisations de Le Corbusier ? C’est moche, ça vieillit mal ! La tour de M. Nouvel est un empilement de boîte. » Moche, l’utopie sociale de Le Corbusier ? Mme Ceccaldi-Reynaud manie la pelle comme un fossoyeur. Battante, elle menace de bloquer la construction de la tour en ne modifiant pas le Plan d’Occupation des Sols tant que Jean Nouvel n’aura pas revu sa copie. « Je vais lui suggérer de modifier l’aspect général de sa tour. Pour qu’elle soit plus agréable à l’œil. On peut sûrement l’améliorer, faire en sorte qu’elle ressemble moins à la tour Montparnasse [sic], en la rendant plus humaine, plus légère, plus transparente. Mais acceptera-t-il de changer son œuvre ? » Un cours d’esthétique élémentaire à l’usage du Maître.

    Par un effet de dominos, le projet non retenu de Jacques Ferrier qui concourait dans le peloton de tête pourrait trouver place non loin de là sur la commune limitrophe de Courbevoie. Une H majuscule de 309 mètres de haut (ill. 2). Le problème est que les élus n’en veulent pas non plus. Il faudrait détruire les deux cent cinquante logements sociaux construits à cet endroit. Les investisseurs appellent cela « humaniser le quartier ».

    Autre architecte à qui sont servies simultanément une coupe sucrée et une coupe amère : Dominique Perrault. Au moment où le Centre Pompidou lui consacre une exposition, le directeur de la BNF, Bruno Racine, lui demande de rendre le site de Tolbiac plus accueillant. Un drôle de toupet. On connaît la difficile naissance de ces tours conçus en dépit des livres et des lecteurs, les dysfonctionnements qui s’ensuivirent. Tant bien que mal dix ans plus tard la BNF tourne, mais le directeur souhaite casser l’image froide du site, qui fait fuir les riverains tandis que les quartiers alentours s’affirment vivants. Dominique Perrault peut toujours dire que « L’esplanade est belle parce qu’elle est vide », le voilà forcé de reconnaître qu’« elle ne doit pas être trop vide et surtout pas inhospitalière. » Le génie descend sur terre et consent – d’un té contraint et dédaigneux – à agrémenter les côtés de l’esplanade de vulgaires boutiques et de restaurants populaires. Exemple de servilité que son confrère Jean Nouvel doit trouver saumâtre.

    Elle s’explique assez, cette obéissance subite de Dominique Perrault, par sa crainte qu’une polémique n’attire l’attention sur l’aspect non citoyen de la BNF qui consomme autant d’électricité qu’une ville de 20 000 habitants du fait de la climatisation nécessaire à la conservation des documents stockés dans des bâtiments totalement inadaptés.3  On peut revendiquer la laideur, le manque d’humanité, la froideur, l’à moitié vide ou le pas du tout plein, mais une offense au développement durable est indéfendable à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle pourrait bien frapper d’infamie l’œuvre de Perrault, alors que toutes les tours aujourd’hui conçues se doivent de produire elle-même l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Aussi Perrault est-il prêt à modifier également les façades des tours ! Il conçoit qu’ « un bâtiment n’est pas quelque chose d’achevé ou de figé. La BNF peut être exemplaire d’une façon de faire évoluer l’architecture dans le respect de l’œuvre. » On lui demanderait de repeindre la BNF couleur caca d’oie, qu’il tiendrait lui-même le pinceau.


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